Le retour entre San Ignacio et Salta (à l’ouest) nous prend 8 jours.
Stupéfaits, nous découvrons tout le long du trajet, des maisons pieds dans l’eau, de larges fossés débordant où enfants et adultes viennent pêcher – sport national -…mais quoi donc?… des rues boueuses et défoncées dans les villages, des landes, steppes et prairies détrempées.
Il en est ainsi jusqu’au sud de Tucuman, région de culture de la canne à sucre.
Pour la sécurité de ce long trajet, nous dormons garés dans des rues, sur des places de villages où nous ne passons pas inaperçus ( ! ), ou carrément sur le parking de stations service. La majorité des villages possède une place carrée sur laquelle donne une église, et les rues se coupent à angle droit, comme dans nos villes militaires. Si quelques rues principales sont goudronnées ou pavées, les autres restent en terre ou en caillasse souvent remplies de trous profonds, ce qui en cas de pluie est un bourbier indescriptible pour la population et un danger permanent pour nous.
Le soir, et surtout les week-ends, les Argentins petits et grands vont flâner, partager le maté dans les parcs, jusque tard dans la nuit. En outre, beaucoup de municipalités ont investi dans des installations sportives pour tous (pistes cyclables, appareils de musculation, et jeux en tous genres pour les enfants) dans leurs jardins publics en particulier.
Les Argentins font du sport…tout en mangeant très sucré.
D’est en ouest, nous avons aussi maintes fois rouspété en traversant des rues dont les caniveaux sont si profonds aux quatre coins de carrefours que l’arrière du camping-car touche systématiquement. Ils ont ici l’art de mettre des ralentisseurs PARTOUT et sous toutes formes, même en pleine campagne.Les contrôles de police sont très fréquents, mais nous avons très rarement été arrêtés, excepté par des amoureux de la France, ou des officiers curieux, mais sympathiques. Quant aux routes, elles sont bonnes en général dans ce secteur nord, sauf les grands axes fréquentés par les camions. Nous avons alors le choix entre rails ou trous !
Cependant l’Argentine a entrepris de gros travaux pour améliorer son réseau routier, et nous traversons de temps en temps des portions en construction qui augurent un bel avenir de désenclavement.
Nous faisons halte à Corrientes pour une nuit au bord du Rio Parana.
Mais après, nous évitons toutes les villes : Resistancia,
Santiago del Estero (lieu de culture du coton), et surtout, Tucuman où, parait-il, les camping-cars sont pris pour cible par quelques bandes.Cette ville et sa région ont souffert de gros problèmes économiques en raison de la baisse des cours du sucre (qu’ils cultivent en quantité ici), sans parler de récentes inondations dévastatrices. Les villages que nous traversons font peine à voir, laissant transparaître une réelle pauvreté et de gros dégâts dus à l’eau.
Ne voulant pas nous y attarder, nous remontons la vallée tortueuse qui mène à » Tafi la Valle « , et qui nous fait passer de la forêt tropicale, réserve de biosphère,…
…à une plaine d’altitude où un grand lac entouré de montagnes herbeuses se mire dans le ciel bleu.
Nous sommes déjà à 2000m et ce lac, Tafi » entrée splendide » en Quechua, et El Mollar (où sont regroupés quelques monolithes), attirent les estivants pour leur climat agréable et l’air pur de cette région.
Nous voici dans les fameuses vallées Calchiques où se cultivent pommes de terre et arbres fruitiers. On y vend aussi des fromages – genre de pâtes cuites – réputés dans toute l’Argentine, qui avaient été introduits ici au 18ème par les Jésuites.
Après le col, où lamas et vaches sont ici parqués pour être vendus lors d’une fête se tenant un peu plus bas,
nous redescendons sur l’autre versant.
Changement absolu pour un environnement aride et sauvage couvert de cactus (les » cardones « , protégés). C’est un autre monde…
Nous descendons en fin d’après-midi sur Quilmès, site pré-inca situé à flanc de colline, au bord d’une grande plaine sablonneuse et couverte d’épineux.
Le guide nous explique rapidement que vers l’an 1000, 7000 indiens Quilmès vivaient dans cette ville édifiée dans une vallée fertile et bien arrosée grâce aux montagnes. Ils capturaient et élevaient des lamas pour la laine, la viande et le lait, et cultivaient haricots, maïs et quinoa.
C’est une ville très bien bâtie en grosses pierres, et formant une sorte de labyrinthe s’étageant depuis la plaine jusqu’en haut de la colline avec des tours de garde d’où la vue est très étendue.
Le chef, plus ou moins chaman, habitait carrément en haut et pouvait entendre depuis cet amphithéâtre naturel, les conversations en contre bas. En effet, l’acoustique y est excellente, comme nous avons pu le constater.
Des ruines, n’a été restaurée qu’une partie des murs, la plus haute, l’ensemble étant encore enseveli sous des sédiments dus aux pluies et mouvements de terrain.
Les maisons devaient avoir des toitures assez plates, faites de troncs de cactus recouverts de terre et de cailloux mélangés. On voit encore des pièces circulaires appelées » moulins » où les céréales étaient écrasées dans des mortiers.
C’est tout de même regrettable que les cactus aient envahi ce site et qu’aucune maison d’une si grande ville n’ait pu être reconstruite à l’identique.
Nous rejoignons ensuite Cafayate plus au nord, » la » capitale du vin. C’est très étonnant de passer des épineux à la vigne. Les premières que l’on aperçoit sont du reste un peu miteuses, mais, en se rapprochant de la ville, nous longeons de jolies exploitations aux vignes bien taillées, et les grands domaines se dévoilent peu à peu.
Cafayate est une petite ville, mais un grand nom. Sa place centrale est ceinte de cafés-restaurants remplis de consommateurs venus d’un peu partout.
Il faut mentionner le glacier » MIRANDA » qui a eu l’excellente idée il y a 25 ans, de créer des glaces au vin (Torrentes et Cabernet). La femme, qui les vend, est très fière de son mari !(gourmande…elle en déguste discrètement en attendant le client). Un compositeur a même écrit une chanson sur » los helados de Miranda « ……
…..Los helados de Miranda Un helado de Miranda
Tienen ese…no sé qué, Puede ser de torrontès
Que con solo imaginarlos Y si no me esta creyendo
Va derritiendose usted Pruebe….y me cuenta despuès………etc……..
Le lendemain, nous allons faire une dégustation de vins (impossible d’y renoncer), chez » Nanni « . C’est dans leur bon restaurant où nous nous attablons presque seuls, ravis, que Raguel la caviste, nous présente les différents vins de la maison : Torrentes au goût très fruité de moscatel, rosé sec et Tannat, rouge bien tannique. Nous les testons en même temps que nos plats (une faveur de la maison !). Ce Tannat nous surprend bien agréablement….et, suite à cette belle et bonne expérience, nous repartons avec quelques bouteilles, hein, Bruno !…ben le voyage est long!
Renonçant à suivre la route 40 vers Cachi réputée comme très mauvaise piste et poussiéreuse, nous choisissons l’asphalte de la route 68 en direction de Salta. C’est ainsi que nous suivons l’extravagante » Quebrada de las Conchas « (coquillages.. et fossiles…car la mer fut ici à une époque très lointaine).
Au-delà, le paysage change à nouveau. L’Argentine est très variée sur des distances assez courtes en fin de compte.Les cultures entourées de haies font leur apparition et les maisons prennent un style colonial.
Les bas côtés sont couverts de fleurs jaunes (rudbéckias) formant de très jolies haies naturelles…le désert n’est plus qu’un souvenir !
Un très grand lac bordé de montagnes, le » Cabra Corral » nous attire pour la halte nuit. Beaucoup d’Argentins s’y retrouvent, même en soirée, sur des sortes de « house-boats » pour y faire la fête, et le grand pont qui l’enjambe est recouvert de pêcheurs de toutes sortes et de tous âges…maté à la main, bien sûr !
Nous sommes chanceux de pouvoir stationner au calme et gratuitement sur le parking d’un hôtel » classe « isolé. En France, ce serait difficile.
Le lendemain, nous prenons la route – mi-route, mi-piste -, pour Cachi, village colonial préservé et très touristique.
Cette balade est splendide, à travers des montagnes aux couleurs multicolores.
Elle nous emmène par une piste en lacets parfois étroite et à pic, jusqu’à un col à 3367m. Là, une petite chapelle dédiée à San Rafael marque le » paso « .
Les gens, pour honorer le saint et sûrement lui demander sa protection, ont piqué des…cigarettes allumées dans les bougeoirs !! Pauvre Saint : il doit tousser là-haut, car nous mêmes ne pouvons rester dans la chapelle tant cela arrache les poumons.
Au-delà du col, la route descend vers une vallée d’altitude gigantesque, aride et couverte de cactus (cardones).
Le tracé rectiligne de la route lui vaut le nom de » Recta del Tin-Tin »….attention aux radars !!!hihhi !
Le désert est ici magnifique, et au loin, on aperçoit les sommets enneigés dont le grand » Cerro de Cachi » 6380m.
Le village de Payogasta un peu plus bas, est spécialisé dans la culture des piments. Nous voyons ainsi de grosses taches rouges : ils sèchent sur le sol.
C’est aussi ici que nous empruntons à nouveau , mais pour quelques kilomètres, la route 40 vaguement asphaltée jusqu’à Cachi…en fait très mauvaise bien sûr.
Cachi a su garder ses bâtiments coloniaux blancs, bien ordonnés autour de la place du village, et alignés le long des rues en quadrilatère.
Nous y arrivons le soir du 1er Mai, et comme partout, jour férié, les magasins à touristes sont fermés, ce qui nous laisse une paix royale pour baguenauder.
Achetant un pain plat chaud à une jeune femme, nous rencontrons un Argentin camping-cariste avec qui nous passons la soirée autour d’un apéro dans son véhicule. C’est encore l’occasion de confirmer que les Argentins sont vraiment chaleureux d’une manière générale, et de glaner quantité de renseignements concernant la suite de notre voyage.
N’ayant toujours aucune envie de poursuivre par la route 40 – quoique mythique, mais infecte – vers le nord, nous refaisons le même trajet qu’à l’aller, puis obliquons dans la vallée du » train des nuages » (route 51) dont le nom nous fait rêver.
Pas de chance, cela commence par une piste de plus en plus poussiéreuse… « que 23 km », nous a dit le gendarme au début ! Enfin, ils sont en train de construire une très belle route qui suit le chemin de fer, vers San Antonio de los Cobrès le long de la Quebrada del Toro….on leur pardonne et prenons notre mal en patience à 20km/h une fois de plus. Certains passages sont assez étroits, mais par chance, nous n’y croisons aucun camion ou bus.
La ligne étroite du chemin de fer remonte toute la vallée jusqu’à 4200m, à travers ponts et longs viaducs métalliques ou tunnels. Nous n’y voyons qu’un train de marchandise descendant prudemment la pente.
Puis nous retrouvons en effet le goudron, et la nuit tombant, nous nous installons devant une gendarmerie d’altitude, avec leur accord, dans un hameau où il y a une gare…nous aurons droit au sifflement sonore du train en pleine nuit, comme ce fut le cas à Buenos Aires. L’endroit est perdu et il fait frais à 2300m.
Pourtant le lendemain, nous allons un peu plus haut pour prendre notre petit déjeuner au soleil dans un cadre assez joli.
Bruno remarque qu’une voiture, puis 2, 3, passent en coupant carrément le virage sur la gauche, dans la terre : nous n’en revenons pas ! Puis nous réalisons qu’il s’agit d’un rallye » Argentina Trophy « , premier rallye français de ce type (nous les retrouverons plus tard à Salta, où ils nous expliquerons qu’ils sont classé sur la distance la plus courte….. » Ah, bon !!! », mais ont-ils imaginé le danger qu’ils font courir aux autres ?).
Nous aurions bien aimé poursuivre vers San Antonio, mais nous avons juste un petit problème…multiple : plus beaucoup d’eau, ni dans les réservoirs, ni en bouteille, pas assez de gas-oil pour un aller-retour plus long, plus grand chose à manger….et un petit BRUIT SUSPECT sous le capot.
A regret, nous faisons demi-tour en direction de Salta, ville coloniale fondée en 1582 par les Espagnols.
BONUS: