Quittant Sucre,
nous prenons la route 6 vers le sud-est pour rejoindre Santa Cruz, la route du nord plus directe, étant en travaux. La première journée est très agréable. Nous sillonnons les hauts plateaux qui nous offrent de lointains et beaux points de vue, et traversons des villages tranquilles.
Mais c’était sans compter sur la piste qui nous surprend à partir de Padilla. Rien ne l’indiquait et on a fait là un très mauvais choix d’itinéraire, quoi que nous sommes en Bolivie ! Ils sont là aussi en train de faire la route, payante bien sûr !
L’état de ce chemin serpentant dans la forêt vierge ou descendant dans d’étroites vallées où sont cultivés agrumes et canne à sucre, est très aléatoire, tantôt correct, tantôt très difficile.
C’est ainsi que nous passons 2 jours à zigzaguer dans des ornières de boue, traversant des villages encore plus isolés en raison de ces travaux qui rendent la piste impraticable et très dangereuse.
Nous faisons une halte, nuit oblige, à Puyupampa où nous rencontrons Francesca, une commerçante avec qui nous sympathisons aussitôt.
Nous compatissons vraiment pour tous ces gens tributaires de la fin de ces travaux titanesques.
Le climat humide de la forêt vierge n’arrange rien. Si le centre des gros villages est asphalté, gués et pistes cahotiques recommencent dès les dernières maisons.
Le tracé de la piste, sinueux, étroit et montagneux devient, sous une pluie fine, de pire en pire.
Les ornières de boue faites par les camions atteignent les 40 cm. Bruno qui a beaucoup voyagé n’a jamais vu cela nulle part et sue à grosses gouttes, pensant que nous resterions bloqués dans ces pentes très raides. Nous vivons ici un stress intense.
Et au point le plus haut, après avoir évité de justesse un 4×4 incontrôlable, dérapant entre paroi rocheuse et ravin au milieu de la forêt vierge, nous sommes bloqués : un gros camion de carburant est embourbé dans un virage étroit, un 4X4 encastré sous la citerne, et la piste est totalement coupée.
C’est un gros bus, arrivé derrière nous en zigzaguant dans cette très forte pente qui parvient à débloquer le camion, contre toute attente, en le tirant avec un câble. On n’y croyait pas !!
La piste est enfin dégagée, mais EPOUVANTABLE, et contrairement à ce que nous pensions, notre camping-car passe, en dérapant comme les 4X4, et nous attaquons enfin la descente ultra glissante et périlleuse. Pas même un singe pour nous distraire !
Nos regards sont rivés sur les ornières , redoutant trous et effondrement de la piste vers le ravin.
Cette descente qui par beau temps doit être très belle, se révèle très délicate au fur et à mesure qu’on se rapproche du futur tunnel. Cette réalisation sera un grand avantage pour tous ces Boliviens encore si isolés…mais dans combien de mois ouvrira-t-il ?
La piste ici n’est que boue et succession de gués.
On se demande encore comment l’Iveco a pu vaincre des ornières si profondes et sur de telles longueurs, aussi bien dans les pentes fortes que dans les virages serrés, la tôle de protection du moteur raclant systématiquement cette boue heureusement molle.
Enfin au bout de 3 jours, contre 8 heures normalement, on peut parler de » fin du tunnel » pour nous, lorsque nous retrouvons, sains et saufs, une large route en terre compactée, des champs cultivés, puis la » civilisation » à Ipati où commence l’asphalte… ça fait du bien!
Nous arrivons le soir à Santa Cruz, capitale économique du pays, sise dans une très grande plaine agricole , où nous nous posons, bien gardés, en bas d’un immeuble.
SANTA CRUZ ( 7 au 14 juin)
On apprend rapidement qu’il faudra renoncer à faire changer notre parebrise fendu et piqueté. Ils n’ont pas les pièces Iveco en Bolivie.
Santa Cruz est une ville étendue desservie par des nuées de petits cars et mini-bus.
Ici, nous découvrons beaucoup de motos un peu comme en Asie, transportant toute la famille, bébés compris. Parfum d’Asie aussi avec les palmiers à troncs lisses qui parsèment la ville.
Nous nous rendons à la place centrale qui, comme ailleurs, tient lieu de point de rendez-vous. Les maisons ont, dans cette région, des toitures en tuiles qui sont soutenues par des colonnes de pierres ou de bois. Ceci leur donne un certain charme.
Mais à vrai dire, rien n’est vraiment harmonieux suite à l’absence d ‘entretien généralisée. La place du 24 Septembre ne conserve que peu de bâtiments coloniaux.
La cathédrale en briques est surprenante (19è).
A part la volée de pigeons qui ravit petits et grands, il n’y a ici pas grand chose d’intéressant….
à moins que l’art moderne….
ou bien ces énormes gâteaux qui font fureur…
Nous décidons de partir sans plus attendre vers les missions en Amazonie.
Nous traversons quelques villages authentiques.
Mais le soir de mon anniversaire, la seule bougie qui s’allume est le voyant rouge du système d’injection, peu de temps après un plein de gasoil suspect dans un petit bourg, avant Puerto Pailas.
Il faut dire qu’en Bolivie, le gasoil est très communément coupé avec de l’eau ou n’importe quel liquide afin de » rallonger la sauce » nous a-t-on dit. C’est un vrai désastre, et pas question d’avoir recours aux mécanos que nous apercevons.
Après avoir fait enlever au karcher la boue compacte collée partout sur et sous l’Iveco,
nous décidons de revenir à Santa Cruz, lentement voyant allumé et moteur en mode dégradé (pour le préserver).
Nous passons trois nuits et trois jours au sein d’un garage dit » excellent » sur Ioverlander (site d’informations dédié aux voyageurs).
Une petite « banda » dans l’école attenante nous apporte un peu le sourire.
Les mécanos démontent et remontent par 2 fois le réservoir de gasoil, la pompe de transfert et les filtres pour les nettoyer, changeant aussi une durite en pensant y avoir découvert une prise d’air.
Bruno dubitatif, imagine plutôt un problème électrique, mais les garagistes ne sont pas d’accord. Enfin, au bout de ces 3 journées, tout semble refonctionner normalement. Nous repartons confiants et soulagés (de pas mal d’euros ..!), trop heureux de quitter la pollution sonore et olfactive. A nous la campagne verdoyante et les scènes habituelles.
Hélas, au bout de 150km vers San Julian, le voyant…re-clignote et, dépités, nous revenons à la vitesse d’un escargot à Santa Cruz, plutôt anxieux. Nous nous rendons cette fois -ci dans un garage Bosch spécialisé en injecteurs et turbos dont on a vu la publicité sur la route.
Nous y restons 2 jours, dormant dans la rue. L’ ingénieur nous semble sérieux (et le patron très » gourmand « ). Ils démontent, nettoient et règlent chaque injecteur, et , rassurants, nous laissent repartir.
Nous abandonnons à regret l’idée d’aller aux missions et filons vers Cochabamba par la route amazonienne. Nous traversons le quartier périphérique ouest, aéré, moderne, et presque propre comme s’il s’agissait d’une autre ville, ce qui nous surprend complètement.
Malgré cette ultime découverte, nous ne garderons pas un souvenir positif de cette grande ville, plutôt sale, gros centre commercial et agricole, à la circulation dense et anarchique.
Et comme partout, une multiplicité de commerces en tous genres.
Cependant les 2 nuits -hors garages- passées au ravissant camping » Landhaus » en sortie de ville, nous ont fait du bien.
Le propriétaire d’origine allemande est très sympathique et serviable et son » lomo de beef » (filet de boeuf) grillé est excellent !
Son frère, Rudy, ingénieur forestier nous propose gentiment de nous faire découvrir, explications à l’appui, son jardin tropical attenant. Petite jungle citadine où une multitude de plantes et de variétés d’agrumes poussent à profusion.
Nous repartons, du reste, les bras charges de citrons, pomelos et mandarines inconnus chez nous. » Merci Rudy ! « .
DE SANTA CRUZ à COCHABAMBA (15 au 19 juin)
Les environs de Santa Cruz sont consacrés à l’agriculture, avec des communautés Ménnonites, secte anabaptiste fondée en Suisse allemande au 16è. Ils refusent toute autre autorité que la Bible. Disséminés aux Etats-Unis, Mexique, Brésil, Uruguay, Paraguay, ces gens vivent entre eux, à l’écart des routes principales, mais leurs terres sont particulièrement bien entretenues, (ce qui tranche avec les parcelles Boliviennes). Ils sont facilement reconnaissables, plutôt blonds, les hommes portant salopette, chemise à carreaux et casquette américaine ou chapeau, les femmes, en général, des robes bleu- marine, mi-mollets, et chapeau de paille (style début 20è). Ils se déplacent en carriole à cheval chez eux, mais ont le droit de conduire des tracteurs. Par contre, ils se font conduire en ville. Impossible de pénétrer leurs communautés bien cachées sur leurs immenses exploitations prises sur la jungle.
Sur ce trajet, petit à petit, la forêt vierge gagne du terrain, et nous apercevons au loin les contreforts de la Cordillère, et des quantités d’agrumes en bordure de route. La région regorge de fruits.
C’est dans le village de Buena Vista, que nous faisons halte pour nous ressourcer.
Particulièrement bien entretenu, rues pavées, dédié au tourisme de pleine nature, ce petit bourg ne ressemble pas aux autres villages… sauf pour les échoppes !
Laissant notre camping-car dans un jardin privé, nous partons 2 jours faire un trek dans le Parc d’Amboro. Le 4X4 qui nous conduit à 1h1/2 de là traverse gués et ornières de boue profondes, et nous laisse dans un campement installé dans une clairière. Le camping-car n’aurait jamais pu passer par ces pistes impossibles !
A » La Chonta « , pas d’électricité, (ce qui veut dire bougie dès 18h pour diner et se coucher), mais une cabane ouverte sur la forêt à quelques mètres, pour y passer la nuit…avec de gros cafards noirs !!!
Nous marchons 2 jours de suite, seuls avec un guide, dans la selva aux multiples plantes, que nous retrouvons dans nos jardineries. La flore y est vraiment variée.
Quant à la faune, farouche, nous n’en voyons que quelques éléments : singes, fourmis guerrières dangereuses, » sérénés « , oiseaux gros comme des coqs, papillons, colibris, mais…aucun caïman, et presque aucun moustique non plus, par chance car c’est l’hiver (il ne fait pas trop chaud). Oui, mais des tiques…!
Nous découvrons des traces très fraîches de puma et de gros tapir sur le sable mouillé du Rio que nous remontons…mais pas l’animal !
Un vent fort en bourrasques fait tomber de temps en temps des arbres dans la forêt et le guide nous arrête souvent pour écouter les bruits. Ce serait trop bête de se prendre une grosse branche sur la tête !
Nous constatons que la nuit, les animaux ne se font pas entendre, sauf les grillons et notamment, un crapaud… » annonçant la pluie « …nous dit la charmante Bolivienne qui nous prépare les repas à base de manioc (petit déjeuner compris), et que l’on voit ici avec notre guide.
Cette petite halte désintoxiquante du corps et de l’esprit nous fait le plus grand bien, même si 7h d’affilé à crapahuter dans la jungle nous épuisent un peu le 1er jour, il est vrai.
De retour à Buena Vista, nous nous dirigeons vers » El Cafetal « , pour une nuit, hôtel de la plantation de café.
C’est un très bel endroit isolé, avec une jolie vue sur la lointaine Cordillère ; nous sommes les seuls clients, garés sur la pelouse bien verte : le luxe !
Après la visite rapide de la plantation – il n’y a personne puisque c’est dimanche – le propriétaire nous prépare un excellent café dont 90 % de la production sont exportés surtout en Hollande.
Le temps lourd est à l’orage et après cette belle » coupure « , nous reprenons notre parcours semi-amazonien.
Comme nous l’avions vu au Bénin lors de notre voyage en Afrique noire,des Boliviens vendent ici aussi de l’essence en bouteilles sur le bord de la route, portable à la main, histoire de faire passer le temps.
D’ailleurs, ça aurait pu être l’Afrique..
…mais pas tout à fait..
..malgré les plantations de bananiers.
Le crapaud avait chanté… en effet, nous rencontrons la pluie tropicale forte et ininterrompue un soir à Chimoré plus loin en Amazonie, sur la route 4 en direction de Cochabamba…et le voyant de l’injecteur est toujours…ROUGE ! C’est pourquoi Bruno roule de plus en plus lentement, réduisant sa vitesse à 20km/h ! Inutile de préciser notre peur de tomber en panne en bordure de la forêt vierge peu sûre (plantations cachées de coca et donc trafiquants pour lesquels nous avons été mis en garde).
En outre, ce temps pluvieux et brumeux nous empêche de profiter pleinement de cette région surtout lorsque la route commence à grimper. Nous longeons davantage de bananeraies, de maisons en bois sur pilotis, traversons des rios gorgés de boue.
Ambiance amazonienne garantie et petits commerces de fruits tout le long de la route.
Peu à peu nous grimpons sans fin, mais sûrement, et la forêt embrumée est remplacée par…des sapins !
et des eucalyptus, puis …par des collines dénudées, en patchwork de cultures diverses (céréales, pommes de terre…).
Nous retrouvons la Bolivie andine à Colomi, sur » 3 pattes » comme dit Bruno (3 injecteurs au lieu de 4), ne sachant si nous arriverons à passer le dernier col (3706 m).
Pourtant, nous y parvenons malgré les poids lourds qu’il faut parfois doubler (à 20km/h!), et retrouvons enfin le soleil pour la jolie descente sur Cochabamba entourée de montagnes.