Premières impressions : nous circulons à travers des montagnes très vertes aux gorges profondes et étroites.
VIRAGES…la route descend sur des kilomètres puis remonte sur des kilomètres, puis redescend sur des kilomètres, etc… Les freins sont mis à l’épreuve car le trafic est dense et il y a toujours un gros camion qui ralentit dangereusement la file des voitures. Les Colombiens doublent de préférence dans les virages, bien sûr, nécessitant une attention de tous les instants. Il faut s’accrocher, et Bruno met ses gants en cuir pour protéger la paume de ses mains.
Les routes sont propres, les maisons même isolées ou traditionnelles, fleuries.De très nombreuses cultures quelle que soit la pente sont parsemées de tuteurs, et pas seulement pour les petits pois.
Notre première visite sera pour le fameux sanctuaire néogothique de » Las Lajas « , lieu de pèlerinage, où serait apparue la Vierge dans la paroi rocheuse de la gorge au 18è siècle. La basilique adossée à la falaise et surplombant le rio attire de nombreux pèlerins. L’église est pleine pour la messe lorsque nous y descendons.
Les ex-votos tapissent la roche.
Bien sûr les petits commerçants y vont de leurs spécialités touristiques,
ou culinaires,
» cuyes » en tête,
ou » hélado de paila « , une crème glacée préparée dans la rue dans une bassine en cuivre que l’on fait tourner sur un lit de glace.
De là, nous rejoignons la » laguna de la Cocha » près de Pasto, où nous faisons une halte de deux jours au chalet » Guamuez » qui accepte les camping-cars. C’est un hôtel de type suisse construit au bord du lac et entouré d’un magnifique jardin fleuri et d’un parc sportif.
Le jardinier est très fier de nous montrer ses bananiers de décoration, son grand potager aux choux énormes et ses » cuyes « …si, si…du plus petit …
…au plus grand !
La température est un peu fraîche, et à défaut de se baigner dans l’eau claire du lac, nous faisons un tour en barque à moteur autour de sa petite île sacrée, pour les Indiens, de » la Corota « .
Elle est couverte d’une forêt tropicale de persistants où pendent de longs lichens.
La plénitude des lieux est communicative. Le soir, nous nous installons au restaurant devant un bon feu de cheminée.
Le lendemain, sans qu’on sache pourquoi, notre escalier refuse de remonter.
La route que Bruno qualifie de » sportive » n’est guère différente jusqu’à Popayan. Marie-Anne se cramponne.
C’est carnaval, ce week-end. La ville blanche coloniale est le lieu de gentilles bagarres à coups de grandes bombes de mousse blanche, d’eau, voire d’oeufs.
Le centre ville est interdit à la circulation, et tous les sites touristiques sont fermés, même les églises.
Ce sera une bonne pluie d’orage qui mettra fin aux festivités et nous chassera en direction de l’est vers San Agustin. Partant confiants vers le Parc Naturel de Puracé, nous nous retrouvons assez vite sur une piste que nous imaginions bêtement asphaltée. On a à peine le temps d’admirer l’immensité du paysage où poussent les » Frailejones « , que la nuit tombe.
Pourtant ces plantes endémiques exceptionnelles du Paramo colombien (3000m d’altitude), méritent l’admiration : elles captent la vapeur d’eau des nuages avant de la restituer sous forme de gouttelettes qui formeront des ruisseaux. Ceux-ci se transforment en rios comme la fameuse » Magdalena » qui arrose la Colombie.
Des broméliacées rouges croissent un peu partout dans les arbustes entremêlés. Cette zone est très particulière, et des panneaux signalent la présence d’ours et de gros tapirs.
Il nous reste 4 à 6 heures de piste infernale à faire de nuit ( ! ), sans aucune possibilité de se garer où que ce soit en roulant sur des cailloux coupants, et des trous du genre à tout casser.
Notre pauvre Iveco bringuebale de tous côtés, au supplice. Le plus curieux, c’est que ce trajet réputé dangereux (on l’a su après), est très emprunté de nuit aussi. Nous nous faisons doubler par des bus fous, des camions, et même…des twingos !
De fait, en retrouvant l’asphalte et un terrain herbeux pour nous garer pour la nuit, nous constatons que le marche-pied s’est ouvert à notre insu. Bruno a eu beaucoup de chance de ne pas faucher un des nombreux motards croisés dans ce village en fête de San José de Isnos.
Le lendemain, nous montons jusqu’à San Agustin parmi des plantations de café.
C’est un village colonial aux maisons blanches et vertes, situé sur un plateau de prairies et bosquets où poussent des bananes plantains.
Les bus de cette région sont rigolos.
Mais son attrait principal est son parc archéologique. Nous trouvons un camping sympathique avec un beau jardin de caféiers en fleurs, mais les tomates-arbres sont encore vertes.
Tout est tranquille, sauf quand les familles colombiennes mettent la musique à fond jour et nuit.
Nous visitons le village, sa place bondée,son église, ses animations et décorations de Noël.
Puis la musique typique d’une corrida nous ayant interpelés, nous passons un petit moment autour de l’arène. Ambiance garantie sur fond de ventes de bières et aguardiente aux spectateurs, dont les plus imbibés iront affronter quelques vachettes affolées.
Le jour suivant, nous visitons le parc précolombien, le plus fameux de Colombie.
On y découvre environ 130 statues d’humains et d’animaux ( comme le crocodile ), datant de l’année 1 à 900 après JC. Elles sont taillées artistiquement dans de la roche volcanique. Leur style moderne est surprenant et remarquable.
Elles gardaient l’entrée de tombes couvertes de grosses dalles de pierres un peu comme nos dolmens, ou les corps reposaient dans des sarcophages.
Beaucoup ont été pillées, mais la région est truffée de ces sépultures qui pour beaucoup sont encore sous terre, jalousement gardées par les descendants des Indiens des rios Magdalena et du Cauca.
« La fuente de Lavapatas » est l’endroit préféré des visiteurs Colombiens, nous dit-on. Chaque pierre est gravée ou en forme de bassin.
Ces peuples qui vivaient ici il y a 3000 ans auraient disparu bien avant l’arrivée des Espagnols, eux-mêmes déçus de n’y trouver que très peu d’or.
Nous partons une journée en 4X4 vers » el alto de los idolos » et » el tablon » à la découverte d’autres statues, dont une de 7m de haut, ainsi que des crocodiles prouvant que les Indiens échangeaient avec des peuples de l’Amazone.
On y découvre aussi deux statues peintes exceptionnelles à » la Pelota « .
En chemin ,nous faisons halte dans un atelier familial de canne à sucre. Les tiges broyées servent de combustible, tandis que le jus de canne fortement chauffé devient une pâte marron qui, déposée dans des moules en bois 20 minutes, donne de gros pains de sucre.
Ayant bien profité de ce secteur, nous roulons jusqu’à Tierradentro. Malgré quelques beaux points de vue,
ce n’est pas un trajet de tout repos pour notre pauvre Iveco qui doit en fin de parcours affronter encore de la piste et bien des obstacles.
A 1750m d’altitude, Tierradentro, nommée ainsi par les Espagnols en raison des vallées profondes qu’il fallait emprunter pour y parvenir, constitue, le 2è trésor de l’archéologie colombienne. Nous sommes surpris d’y trouver de nombreux touristes venus dans les bus fous locaux, alors qu’on se croyait perdus au fin fond de la Colombie.
Contrairement à San Agustin, ce ne sont pas des statues, mais une centaine de tombes souterraines qui caractérisent cet endroit, établies sur des cimes de collines aplaties. Invisibles beaucoup sont inviolées. Les tombes sont datées de 600 à 900 après JC, mais on ne sait pratiquement rien des peuples qui les ont creusées.
Profondes de 2 à 9m, et d’un diamètre de 2 à 7m, on y accède par de grosses et hautes marches taillées dans le tuf, et l’on se retrouve à l’entrée d’une pièce ovale de 2m de haut, soutenue par des piliers pour les plus grandes. Les plus belles ont des peintures géométriques noires et rouges sur fond blanc, plafond compris, tandis que les chapiteaux sont ornés de têtes stylisées.
Chaque » hypogée » ou chambre funéraire, présente 7 niches, où étaient déposées les céramiques contenant les os des défunts.
En effet, les morts étaient d’abord enterrés dans des tombes peu profondes souvent noyées dans l’eau. Au bout de 5 ou 6 ans, leur famille ouvraient la tombe, récupéraient les os et les plaçaient dans des urnes funéraires souvent décorées. Celles-ci étaient rangées lors d’une cérémonie dans la chambre funéraire définitive.
Les plus belles et les plus colorées contenaient les os des personnages les plus importants: quelle chance pour eux !
On sent qu’ici tout se fait à l’avenant, les gens des villages sont plutôt » relax « , même en ce qui concerne les petits musées qu’ils ouvrent quand ils veulent.
On rencontre une petite dame, bien sympathique qui tient un café en bambou où nous faisons une halte bière. (petite précision: Marie-Anne est assise…).
Nous retrouvons la chaleur en retournant vers le nord. Un seul gros ennui : ces HORRIBLES mouches minuscules et invisibles, qui font un petit trou dans la peau ; les cloques ne tardent pas, et les démangeaisons sont féroces. C’est exaspérant !
Une deuxième rencontre nous amuse bien. Nous nous arrêtons pour la nuit dans une hospedaje » las hamacas « , au sud de Neiva. Un charmant couple de septuagénaires vivant avec 7 chats, 4 chiens et…4 perroquets rigolards, nous accueillent.
La chaleur est au rendez-vous quand nous nous arrêtons dans le désert de Tatacoa, zone de cactus et de collines sèches, ravinées, rouges…
…ou blanches,
juste après avoir traversé quelques rizières.
Mais ce fameux désert est en fait très fréquenté : quads, vélos, voitures, chevaux, vaches, chasseurs, et » boum boum » émis par l’hôtel le plus luxueux et soit-disant nature !
Nous remontons en 4 heures par une belle et longue piste difficile, caillouteuse et parfois pentue, en direction du nord, alors que la nationale ne nous aurait pris qu’une heure ! Un peu d’appréhension aussi quand il s’est agit de traverser deux vieux tunnels ferroviaires en courbe, en voie unique, remplis d’eau et non éclairés.
Allons-nous rester coincés au beau milieu alors qu’on entend notre tôle de protection racler le fond par endroits et que le camping-car tangue dans tous les sens ? Nous passons de justesse !!
Au-delà de cette zone dite sèche, mais néanmoins arrosée,
nous rejoignons la civilisation, les collines de bambous, palmiers, eucalyptus, arbres tropicaux, et forêt. Il faut toujours imaginer qu’on passe principalement notre temps à monter et à descendre sans cesse dans une alternance de paysages verts, cultivés ou non. C’est assez fatiguant, mais Bogota n’est pas loin avec au sud son urbanisme anarchique en briques pleines, ses grands centres commerciaux, et ses embouteillages à faire fuir même le meilleur conducteur.