Rien ne nous indique nous sommes dans la Province de Québec, à part les noms français des communes sur les panneaux indicateurs. Nous sommes émus par ces lieux qui retracent une histoire : Limoges, Plantagenet, Massena, sans compter les innombrables saints et saintes ( Saint Zotique, Très Saint Rédempteur, Saint Télesphore, et autres Polycarpe…pour ne citer qu’eux).
Mais nous arrivons sur l’île de Montréal, via une autoroute très chargée à l’heure des embouteillages, et sous la pluie. Nous espérions pouvoir nous stationner pour 2 ou 3 jours sur un parking du port, mais il est désormais interdit aux camping-cars. Avec quelques difficultés, nous finissons par trouver » le » camping ouvert sur la rive droite du Saint-Laurent. C’est une simple prairie entre fleuve et autoroute, à côté d’un petit port de plaisance d’où l’on aperçoit le centre et le pont Jacques Cartier.
Marie-Anne est très impatiente de découvrir » cette » ville car il existe 6 Montréal en France, en particulier dans l’Yonne à 10km d’Avallon où un joli village moyennageux est construit autour d’une motte castrale, dominé par son élégante et sobre église collégiale romane du 12è siècle.
Fief de sa famille maternelle, elle y a passé toutes ses vacances et rêvait de connaître la Montréal canadienne.
Justement,le soleil se met de la partie, atténuant un peu le vent très froid. Et c’est en métro, qui passe sous le Saint-Laurent, que nous rejoignons le centre ville. Rapidement nous pouvons confirmer que les Québécois sont vraiment sympathiques et nous avons grand plaisir à dialoguer avec eux.
Petite surprise, nous découvrons une amusante exposition de Barbies…
Puis nous arpentons de nombreuses rues…
et enfin, les vieux quartiers :
-la place des Armes avec la statue de Maisonneuve, fondateur en 1642 de Montréal, et gouverneur de l’île pendant 24 ans…
-l’Hôtel de Ville : copie de la Mairie de Paris…
-la Place Jacques Cartier avec ses bars et ses musiciens de rue qui chantent Piaf, Trénet et Montand…
Est-ce le temps ?, nous éprouvons un peu de déception vis à vis d’un style architectural un peu lourd, froid et anarchique.
La très visitée Basilique Notre-Dame (19è), payante, est envahie d’une foule de curieux bruyants et bien peu respectueux du lieu. Elle a été imaginée par un architecte irlandais protestant converti au catholicisme et qui se serait inspiré de la Sainte Chapelle à Paris. Les vitraux ont été fabriqués à …Limoges, par Francis Chigot. L’éclairage bleu met particulièrement bien en valeur, le choeur, lui conférant un aspect mystérieux.
Nous grimpons sur le clocher de la chapelle Notre-Dame, pour avoir une vue sur le port.
Montréal, trop grosse ville, ne provoque en nous aucun réel coup de coeur, excepté pour l’intérieur du Centre de Commerce Mondial. La ruelle entre deux bâtiments est devenue une galerie couverte élégante.
Le bassin de la fontaine art-déco est une réalisation remarquable faisant de l’eau un vrai miroir, sans la moindre ride, se déversant sur des pierres noires polies. Un véritable bijou artistique et architectural.
La colline du « Mont Royal » domine la ville, immense parc pour les citadins, qui se prolonge par un cimetière gigantesque.
Sur un de ses flancs ont été construits une Université et l’imposant Oratoire Saint-Joseph, vague copie de Montmartre où ont lieu concerts et diverses manifestations.
Mais il fait bien froid, et nous nous contentons d’un tour en camping-car dans les quartiers résidentiels, le » quartier latin » ou » le village « .
C’est là qu’aiment à se retrouver étudiants et immigrés français.
Il eut sans doute fallu venir en été pour mieux sentir l’âme de cette très grosse ville et vivre ses animations variées. Nous repartons » refroidis « , traversant le grand pont Jacques Cartier qui débite son flot quotidien de véhicules.
Bruno souhaite continuer la route en direction de Victoriaville où nous espérons retrouver Christine et Jacques, un couple de voyageurs rencontrés au Pérou avec lesquels nous avons bien sympathisé.
Le réservoir Baudet est un lieu de rendez-vous des oies, essentiellement blanches (les vraies, pas les autres!). De fait, le petit lac est…BLANC, lorsque nous y arrivons.
Nos amis nous rejoignent ici même avec grand bonheur. Jacques est photographe animalier professionnel : quoi de mieux que ces 50000 volatils à portée de main.
Nous pensions passer quelques heures ici, et restons finalement toute la journée stupéfaits d’entendre ces oiseaux siffler, criailler et cacarder à qui mieux mieux. De temps en temps un groupe s’envole dans un grand bruissement d’ailes puis revient.
Mais en fin d’après-midi, le spectacle devient incroyable. Ce sont des vagues successives qui gagnent le ciel pour former peu à peu des V. Elles partent de différents endroits par petits groupes pour se rejoindre sans logique apparente.
Et avant chaque envol, elles se dressent sur l’eau en secouant leurs ailes, et semblent répondre à l’une d’elles qui fait un tour : » prête pour le départ ? » – » oui, c’est bon » – » et toi ? » – » OK, pas de problème « .
C’est fascinant et en l’espace de plusieurs heures, le lac se vide en grande partie, laissant le ciel constellé de V, tandis que d’autres groupes d’oies viennent se poser jusqu’à la tombée de la nuit.
Cette journée sera aussi à mettre parmi les grands moments du voyage.
Il se poursuit sous des trombes d’eau jusqu’à la ville de Québec…
Nous nous arrêtons dans le joli quartier de Sillery car cette commune qui fait partie de l’agglomération de Québec honore le nom du frère d’un des ancêtres de Marie-Anne. Au 17è siècle, Noël Brulart de Sillery en est devenu le bienfaiteur par l’acquisition d’une anse du fleuve qui porte son nom et par une dotation financière importante ayant permis aux Jésuites de s’installer et d’aider la population locale.
Grâce à la société historique qui nous accueille nous obtenons davantage de renseignements particulièrement intéressants. La commune et également une belle avenue portent son nom.
Moment à la fois émouvant et amusant quand on sait que les québécois font les mêmes démarches, mais…en France, pour reconstituer leur arbre généalogique.
Petite remarque : Nicolas, le frère de Noël aurait eu l’idée de la fabrication du champagne, et le » Sillery » existe toujours ! On comprend mieux maintenant l’intérêt de Marie-Anne pour les bulles.
Le sympathique prêtre qui nous donne les premiers renseignements, nous permet aussi de passer la nuit devant l’église, d’où nous avons au petit matin une vue dégagée sur le Saint-Laurent.
En contrebas, l’anse de Sillery a toujours connu une activité industrielle et commerciale car depuis le 19è siècle, on y entreposait, préparait et expédiait des billes de bois par milliers vers l’Angleterre.
En effet, en 1806, alors que les guerres napoléoniennes occupent l’Europe, et que le Blocus continental à l’égard de ce pays est prononcé, celui-ci approvisionne sa marine en bois d’oeuvre au départ de l’anse de Sillery. De cette époque, restent quelques maisons bien conservées.
Non loin, le pont métallique de Québec, dont la travée suspendue mesure 549m entre les deux piliers principaux. C’est le pont cantilever le plus long du monde.
Durant sa construction, la traversée centrale s’effondra à deux reprises en 1907 et 1916, faisant plusieurs victimes.
Il a été ouvert à la circulation ferroviaire en 1917, et automobile en 1929.
Le musée des Jésuites…
…nous apprend que les Iroquois vivaient dans la région il y a 3000 ans. Ils ont commencé à commercer avec les premiers explorateurs venus acheter des fourrures en échange d’objets en fer, de perles, d’armes et … d’alcool. Les relations n’étaient pas toujours idylliques, d’autant que les guerres tribales étaient très fréquentes notamment avec les indiens Hurons-Wendat ou Algonquins, installés sur les berges du fleuve ou « saisonniers » pour la pêche à l’anguille.
(reconstitution d’un village huron-wendat).
Les missionnaires en ont aussi fait les frais!
Les iroquois ont rejoint d’autres territoires, décimés par les maladies des européens, les guerres et les mauvaises récoltes, tandis que les hurons-wendat se sédentarisaient sur place et vivent aujourd’hui dans un des quartiers de Québec. Et en cas de rencontre on peut amorcer le dialogue:
-Kwe (bonjour)
-Ahskennon’nia (comment vas-tu?)
-Önenh (au revoir)
Nous sommes impatients de voir Québec dont le monumental hôtel Frontenac est mondialement connu. Il domine les vieux quartiers et le fleuve. Comme il fait toujours froid, nous montons prendre un chocolat chaud dans la tour panoramique de l’hôtel Concorde.
De là, nous dominons le centre, le champ de bataille entre français et anglais, le château et la citadelle.
La vieille ville est entourée de fortifications.
Mais c’est bien l’énorme hôtel Frontenac qui capte toute notre attention.
Il a été construit en 1893 par le » Canadian Pacific Railway » dans le cadre de sa chaîne d’hôtels luxueux. Ce n’est qu’en 1924 que la tour centrale a été rajoutée.
Une grande esplanade en bois, la terrasse Dufferin (19è) s’étire juste devant offrant une vue panoramique sur le Saint-Laurent, le port et la vieille ville.
La statue de Samuel Champlain trône sur la place.
Comparé à l’hôtel Frontenac, l’édifice » Price » (1929), un des premiers gratte-ciel du Canada, de style art-déco, fait un peu maigrichon.
Le quartier le plus vivant est celui » d’en bas » où Samuel Champlain venu de Brouage (Charente -Maritime) en 1608, a construit son » abitation « . Là est née la civilisation française en Amérique du Nord. La place Royale avec le buste de Louis XIV…un peu occulté par les décorations…fut le premier établissement permanent en Nouvelle France.
» Tiens, mais qui est là ? »
On a plaisir à déambuler le soir dans le quartier Champlain aux rues pavées, avec ses restaurants, bars et boutiques. Halloween se prépare ici aussi.
Toute la vieille ville est mise en valeur avec ses illuminations.
Mais le vent est bien froid (2°), et le risque de neige se précise.
Un dernier tour…et nous partons.