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Auteur : tinoanne
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Petit Bilan d’un Grand Voyage décembre 2016 à décembre 2018

Ces deux années d’un voyage exceptionnel nous ont semblé trop courtes tellement nous étions avides de découvertes et de rencontres.
Bien des idées reçues, bien des préjugés auront été balayés par la richesse de notre itinéraire, la beauté de ce continent, la diversité de sa faune et de sa flore, et la gentillesse de nombreux habitants.
Nous nous sommes rarement sentis en insécurité et certainement moins qu’autour de la Méditerranée en Italie, France, Espagne ou Maroc. Et pour nous qui faisons du camping- car depuis 40 ans, nous avons enfin retrouvé la liberté que nous avions à l’époque.
Bien sûr les pistes et routes n’ont pas la même qualité qu’en Europe, et de loin, mais notre fidèle Iveco a roulé sans faiblir à plus de 5000 mètres d’altitude, a suivi des pistes impensables , a traversé des gués et des déserts, glissé sur de la boue, du sable et du sel sans jamais nous lâcher. Les températures chaudes extrêmes, jusqu’à 52° dans la vallée de la Mort aux USA, l’humidité, la poussière et les mauvais carburants ne l’ont jamais immobilisé vraiment et nous n’avons crevé qu’une seule fois avec des pneus totalement lisses, (et d’ailleurs sans nous en apercevoir, grâce aux roues jumelées arrières).
Petit bilan technique:
-le bruit excessif du turbo nous a conduit à le réparer en Argentine (une rondelle usée!),
-l’usure de l’ABS qui ne sert pas à grand chose sur un camping-car nous a contraint à le démonter dans le Yukon,
-les injecteurs nous ont beaucoup préoccupés avant de découvrir qu’il s’agissait d’un simple faux-contact électrique qui empêchait l’un d’eux de fonctionner normalement,
-le plancher de la soute arrière s’est légèrement affaissé en raison du lourd chargement qui y était entreposé, de l’état des pistes et des « topes » mexicains,
-le chauffage au gaz a toujours bien fonctionné mais est devenu un peu paresseux au démarrage tandis que la plaque électronique du frigo avait rendu l’âme dès notre arrivée à Montevideo. Heureusement nous avions aussi une glacière électrique à compression…qui a cessé de fonctionner dans la vallée de la mort. Nous en avons acheté une autre sur place qui fonctionne parfaitement. A ce sujet le frigo à compression est la meilleure option.
Pour deux ans de mauvais traitement et près de 80.000 km le bilan est plus que satisfaisant. Par contre si l’on trouve quelques concessionnaires Iveco en Amérique du sud, il est quasi impossible de se faire dépanner par des garages américains ou canadiens, pour des raisons de responsabilité (« on ne touche pas aux véhicules européens! »), à moins d’en trouver un tenu par un sud américain.
Mais on nous a souvent posé d’autres questions:
-Et la santé?… : nous n’avons jamais été malades, n’avons jamais fait de chutes dangereuses au cours de nos treks , et n’avons jamais été attaqués par des hommes ou des animaux excepté les horribles mouches noires microscopiques mais si voraces. Cependant une trousse à pharmacie complète et une bonne assurance sont vivement recommandées.
Quant à notre santé financière, nous n’avons jamais été rackettés par les forces de l’ordre et les quelques tentatives timides se sont soldées par un éclat de rire. Les passages de douane ont été souvent un peu longs mais sans aucun problème ni fouille réelle du véhicule,
-Mais ce voyage n’est-il pas dangereux?… : Eh bien non, à condition d’être prudents et extrêmement vigilants et réactifs sur la route, et puis, comme le disait Paul Coelho: « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, je vous propose la routine…elle est mortelle! »
-Un autre mode de transport eut-il été préférable?… : Nous avons rencontré de nombreux voyageurs se déplaçant en bus, en voiture, à pied ou en vélo. Pour nous aucun doute , le camping-car est de loin la meilleure solution en terme de coût, de sécurité et d’indépendance si le voyage dure au moins 3 à 6 mois, et devient franchement intéressant au-delà,
-Et le 4X4 n’est-il pas plus adapté?… : Dans de rares cas, oui, mais grâce aux roues jumelées et à la propulsion arrière nous avons pu passer partout et ne nous sommes jamais ensablés, même si parfois nous étions à l’extrême limite. Par contre un 4X4 avec cellule est plus cher, beaucoup plus petit et moins confortable. Cependant, pour les pistes que nous avons empruntées, un camping-car à traction est à proscrire ou alors il est préférable de rester sur le goudron ou des pistes en très bon état,
-Revient-on changé d’un tel voyage,… : Oui et non. Oui, en nous donnant un peu plus d’ouverture d’esprit comme à chacun de nos voyages et en nous faisant découvrir avec émerveillement des choses auxquelles on ne s’attendait pas et qui resteront gravées à jamais dans nos mémoires. Non, car nous ne nous sommes pas du tout sentis « déphasés » au retour et avons repris aussitôt nos activités interrompues pendant 2 ans, contrairement à certains voyageurs que le retour déprime,
-Quels sont les plus beaux souvenirs?… : dans chaque pays on peut trouver son bonheur mais on peut citer quelques points un peu plus marquants, comme la traversée de l’Atlantique sud, le survol du Canal de Beagles et d’Ushuaïa, le glacier du Perito Moreno, les montagnes argentines et chiliennes, les chutes d’Iguaçu, le désert du Sud Lipez et le Salar d’Uyuni, le Pérou (lac Titicaca, Machu Pichu et cordillère blanche), les Galapagos, les treks en Amazonie, les plages désertes et la faune du Costa Rica, les éruptions du Volcan Fuego au Guatemala, le parc du Yellowstone et autres grands parcs de l’ouest américain, l’Alaska, ses glaciers, ses ours et baleines, le Québec sur les traces de nos aïeux, mais aussi les civilisations pré-incas, incas et aztèques, les musées de Mexico, Bogota et d’ailleurs, et même les images des albums de Tintin que l’on retrouve « en vrai ».
-Quand repartez-vous?………………………………. : ET VOUS , QUAND PARTEZ-VOUS?
RESTER C’EST EXISTER
VOYAGER C’EST VIVRE (Gustave Nadaud)

La traversée d’Halifax à Anvers : du 10 au 26 novembre 2018
Cette traversée du retour est placée sous le signe de la balançoire, un coup à droite, un coup à gauche.
Nous sortons de temps en temps sur les ponts pour nous aérer, mais le vent souffle fort et nous sommes souvent mieux dans notre cabine où l’une joue de la guitare et prépare le blog et l’autre lit et regarde des films.
Le capitaine, Dimitri, attendra le 3ème jour pour se présenter avec son équipage et nous énoncer toute une série d’interdictions !
Nous retrouvons les autres passagers pour les repas où les conversations sont en anglais. Bonne ambiance, mais bien moins chaleureuse qu’à l’aller.
A table, le jeune Peter, aide-cuisinier nous bichonne, tenant compte de nos goûts.
Pour cette traversée, nous sommes surpris par les gros chocs sonores des containers contre les rails dans lesquels ils sont glissés, mais aussi par de violentes secousses générées par les vagues, qui nous donnent l’impression de passer à nouveau sur de la piste en tôle ondulée. Les mouvements de roulis et de tangage nous inquiètent et nous finissons par avoir l’autorisation d’aller vérifier le 3ème jour, que notre Iveco est bien attaché sans risque de toucher un autre véhicule.
Le centre de l’océan nous gâte avec des vagues de 7 à 9m et ça tangue beaucoup pour notre plus grand plaisir.
Par contre les nuits sont plus compliquées, car nous roulons constamment dans nos lits si peu confortables, fixés dans le sens de la marche : un coup à droite, un coup à gauche. Pour éviter la tempête, le cargo avait pourtant dévié sa route, et à 24h près, il a évité des vagues de 17m, nous dit le capitaine ! (elles atteindront la côte des Canaries, provoquant un petit tsunami détruisant des habitations).
La mer est changeante chaque jour : bleu-canard, ou bien bleue, grise, verte, crêtes écumantes blanches et turquoises.
En mer d’Irlande, nous doublons une grosse plateforme pétrolière (il y en a une dizaine par ici), ainsi qu’un champ d’une centaine d’éoliennes proches de la côte, à l’arrivée sur Liverpool.
C’est notre première halte après 8 jours de traversée.
Nous arrivons à la tombée de la nuit et, sur le pont, nous sommes incrédules, lorsqu’on voit les remorqueurs pousser notre énorme cargo dans l’axe d’une » minuscule » écluse. C’est un vrai challenge pour le pilote monté à bord, car il n’y a que 50cm de chaque côté, et il doit aligner parfaitement notre bateau de 300m.
L’un des passagers descend ici, tandis que les autres vont faire un tour vers les anciens docks. Nous préférons rester à bord durant les 24h de déchargement- chargement.
Nous profitons de ce que les radars ne tournent pas pour monter sur le pont supérieur, car un officier nous a expliqué que les ondes émises lorsqu’ils fonctionnent sont pires que celles d’un scanner !
Le capitaine reste assez distant, autant avec ses passagers qu’avec son équipage. Par contre les élèves officiers et l’équipage philippin, toujours souriants et aimables, sont d’un contact beaucoup plus aisé.
Nicolaï, le second, et Thomas, élève officier anglais.
Ils sont fiers de travailler sur ce gros bateau qu’ils jugent très sûr. Pour nous, la vie à bord est des plus simple, mais ne nous déplaît pas d’autant que nous n’avons jamais été sujets au mal de mer.
Notre cargo retournera sur Liverpool, New York et Halifax après les prochains ports d’Hambourg puis d’Anvers, vers lesquels nous nous dirigeons. Les philippins travaillent 9 mois avant de rentrer chez eux et une rotation par demi-équipage est organisée. Les officiers, eux, bénéficient d’une rotation trimestrielle.
Nous empruntons le rails d’Ouessant pour rejoindre le deuxième port : Hambourg. Cela sent l’Europe.
Après quoi nous remontons l’Elbe boueuse pendant plusieurs heures par un vent glacial.
Airbus (et son Béluga) » accueille » le visiteur.
Malgré sa grosse zone industrielle (très polluée), la ville a fière allure depuis notre observatoire situé 45m au-dessus de l’eau.
Deux passagers supplémentaires nous quittent ; l’un retourne en Autriche, et l’autre va en Norvège. Pendant ce temps, vues depuis notre hublot, les grues s’activent sous nos yeux nuit et jour…sous la pluie.
Nous repartons de nuit direction Anvers. Le Capitaine nous permet enfin d’aller visiter la salle des machines (encore plus impressionnantes que celles du » Grande Brasile « ).
La mer du nord est particulièrement calme, et le temps, brumeux. Nous ne finirons pas cette traversée comme nous l’avons débutée.
Il ne nous faut pas plus d’un jour et demi pour atteindre l’embouchure tristounette de l’Escaut et nous engager dans le port d’Anvers.
Nous repassons via l’écluse empruntée à l’aller, devant les gigantesques parkings remplis de voitures neuves ou à l’agonie, destinées à l’export grâce à la » Grimaldi Lines « .
Fin de l’aventure…
L’ « Atlantic Sky » accoste en douceur le 24 Novembre, en début d’après-midi – soit à un mois près, 2 ans après notre départ d’Anvers en 2016 -, et nous descendons sur le quai avec nos bagages, pour nous entendre dire qu’ils ignorent quand sera déchargé notre camping-car.
Alors nous demandons l’autorisation de retourner dans notre cabine pour une nuit et un jour supplémentaire, ne croisant pratiquement aucun marin à bord…
Le soir du 25, notre véhicule est enfin sorti du deck 2 et stocké sur un parking, car le cargo repart. Mais comme nous sommes dimanche, la douane est fermée et il faut encore attendre. Nous passons donc la nuit dans un hôtel des environs.
Le lendemain, après quelques formalités portuaires prises en main par un agent de la compagnie, sympathique et efficace, nous remontons à bord de notre propre vaisseau » Iveco Mobilvetta Icaro P5 « , sans même devoir passer par la douane!
La France…avec ses problèmes et ses gilets jaunes, nous attend !…tout un programme après ces 17 pays traversés dans les 3 Amériques.
CANADA : de Québec à Halifax du 18 octobre au 9 novembre 2018
Nous tenons à faire le tour de la Gaspésie (rive droite du Saint-Laurent) avant de rejoindre Halifax. A cette époque de l’année, les aires de camping, les manifestations en tous genres, et nombre de musée sont déjà fermés.
Notre voyage se résume maintenant à rouler presque sans trêve jusqu’au port d’Halifax où nous réserverons un cargo à destination d’Anvers. Prendre notre temps nous exposerait en effet aux risque d’être bloqués par la neige et par le froid.
La route scénique 132 Est longe le fleuve, puis la mer. Au loin, la rive gauche est bordée de moyennes montagnes.
De ce côté du fleuve, la campagne est parsemée de petits villages qui, à l’image des nôtres, sont regroupés autour d’une église. C’est là que nous nous garons pour nos haltes de nuit.
Un fort vent latéral venu du nord nous secoue et ramène par intermittence des nuages qui déversent violemment leurs flocons. A l’arrière tout est gris tandis que devant nous, le ciel est bleu.
Le Saint-Laurent moutonne, tout gris.
Les oies blanches y ont cependant trouvé refuge.
Peu à peu l’embouchure s’élargit et, sur ses rives, bien des lieux nous font penser à la Bretagne, mais avec des maisons un peu partout, posées tels de petits cubes tout le long de la rive. Nous nous demandons comment elles résistent à la violence des vents et aux -40° hivernaux dont on nous a parlé.
A l’extrémité de l’embouchure, outre le retour de la forêt, de grosses collines rocailleuses, noires et friables plongent dans la mer que la route 132 longe de près, avec parfois de fortes pentes.
Peu à peu les villages se font rares, installés dans les quelques anses où dévale une petite rivière.Les bateaux sont tous rangés à terre souvent chez leur propriétaire.
» Gros Morne « , où nous dormons en toute tranquillité à l’abri du vent derrière l’église n’est pas vraiment inspirant.
Tandis que » Cloridorme « , dont le nom nous intrigue, nous permet d’observer 2 dos noirs de rorquals longeant la côte.
Le Cap des Rosiers est surmonté du phare le plus haut de Gaspésie.
Juste après débute le » Parc du Forillon « , pointe extrême de cette province.
Au moment d’y entrer, nous n’en croyons pas nos yeux » ah, il sont » gonflés « , ils ont mis des statues en bois ! » dit Marie-Anne.
Bruno ne comprend pas, puis éclate de rire, car ce sont 2 » vrais » orignaux splendides qui nous regardent avec curiosité. Le face à face est magique.
Au moins, dans les Parcs, ce animaux ne sont pas chassés, mais en dehors…la chasse bat son plein. Nous avons vu tant de cadavres, pattes en l’air dans les 4X4 ces jours-ci ! Et la coutume locale veut que la tête soit attachée encore sanguinolente sur le toit et/ou sur la capot des voitures, afin de montrer à tous en ville, le plus gros trophée !!
Nous allons au bout du chemin…
…et le lendemain, contournant cette pointe, nous laissons l’Iveco à » l’anse aux sauvages » (sous-titrée » amérindiens « ), pour marcher jusqu’au petit phare le plus à l’est de la Gaspésie (1883).
Un panneau explique qu’ici vivaient, depuis le 19è, des familles venues des îles Gersey et Guernesey. Les hommes pêchaient la morue pour le compte des Britanniques, et avaient construit de coquettes maisons et fermes dans lesquelles ils vivaient plutôt bien. Les plus bricoleurs avaient même installé un atelier et un moulin dont profitaient les habitants des autres villages. Entrepôts et magasins complétaient le hameau.
Dans les années 50, ils ont été expulsés au profit de la création de ce Parc, où orignaux, ours et porcs-épics ont repris leurs droits. On peut imaginer le désarroi de ces familles !
Pour nous, cette ultime longue balade est très agréable.
Du haut de la falaise, nous avons la chance de voir les dernières baleines de notre voyage, de tranquilles rorquals qui se nourrissent de plancton.
Ecureuils et porcs-épics sont aussi sur le chemin, poussant de petits cris d’alerte à notre approche…
Et nous surprenons à nouveau un orignal sur la petite route, qui se met à courir juste devant le capot un peu effrayé.
La ville de Gaspé qui a donné son nom à cette Province a dressé une imposante croix en granit en l’honneur de Jacques Cartier, arrivé ici le 24 Juillet 1534, marquant la prise de possession de ce territoire au nom de François 1er. Mais les premiers bâtiments ont été établis au 18è siècle par Felix O’Hara, premier habitant permanent du lieu. Magasin, entrepôt et taverne ont été regroupés sur cette place, ainsi qu’une hutte en écorce de bouleau utilisée par les Indiens Mi’gmaq (ou Micmac) vivant en Gaspésie où ils sont arrivés depuis plus de 10 000 ans via le détroit de Béring. A noter que , contrairement à certaines affirmations, le terme de « micmac » aurait plutôt une origine européenne.
Gaspé était un port bien protégé pour les bâtiments de gros tonnage, et il attirait les pêcheurs de morue saisonniers venus d’Europe. Il est ainsi devenu une plaque tournante de l’économie régionale.
C’est dans la descente à 17% avant Percé que le témoin de nos freins s’allume ! Ouf, nous arrivons en bas sans encombre et Bruno pense qu’il s’agit seulement du témoin d’usure. Tout autre que lui serait inquiet, mais » tant que ça freine…on verra ça en France » dit-il laconiquement…
Voici un joli petit bourg faisant face à une falaise rocheuse rouge qui se prolonge par une roche percée.
En face, l’île de Bonaventure, sert de refuge à des milliers de Fous de Bassan. Mais aucun bateau ne propose plus la moindre sortie en mer après mi-octobre…
En saison les vacanciers affluent, et ce, depuis le début du 20è siècle. Pour nous, il fait 1°! Quant aux homards qui font la réputation de cette côte, ce sont les grands absents : les casiers de pêche sont bien rangés pour l’hiver dans les jardins des pêcheurs. » Milou, la Gaspésie se visite en été, pas en fin d’automne !!! »
Redescendant la côte vers le sud, nous abandonnons peu à peu notre vieille France, faisant halte dans des lieux bien tranquilles.
Il suffit de traverser le pont métallique qui mène à Campbellton de l’autre côté de la Baie des Chaleurs pour se retrouver chez les anglophones, au New Brunswick.
C’est aussi là que pour la 5è fois depuis Prince Rupert, nous perdons une heure sur nos montres et les jours, hélas, raccourcissent encore.
Par ici les terres sont plates, la mer est calme ce jour là…
…et nous regardons s ‘éloigner la Gaspésie.
Le mauvais temps nous rattrape soudainement. Pluie, bourrasques de vent glacé, et en quelques minutes, de gros flocons tombant horizontalement rendent la route dangereuse, tandis que le pare-brise se couvre de glace.
Mais après quelques kilomètres , plus rien ! Ces 2 journées de route sont comme une parenthèse sur le chemin du retour.
Ce sont les petits drapeaux français frappés d’une étoile jaune qui nous indiquent que nous passons au pays des acadiens, et même de » la Sagouine » à Bouctouche.
Ce hameau installé sur l’île aux puces est né d’une pièce de théâtre écrite par Antonine Maillet qui reçut par ailleurs le prix Goncourt en 1979. L’histoire -un monologue – retrace la vie des pauvres gens vivant en Acadie au début du 20è à travers le prisme d’une femme qui faisait notamment des ménages en échange d’un peu de nourriture : » la Sagouine « . Cette pièce est devenue un symbole de la culture acadienne.
Malheureusement, tout est fermé, y compris le village-musée acadien Bertrand. Alors, un peu déçus, nous repartons avec juste en tête des noms de lieux dits comme » Caraquet, Dieppe, Cocagne, Avenue du bois joli « …
Nous suivons la côte par de petites routes…
… jusqu’au pont de 12,900km (1997) qui relie le New Brunswick à l’île du Prince Edward. Une belle réalisation !
Tandis que la brume monte, Bruno roule jusque tard dans la nuit.
Nous rejoignons la Nouvelle Ecosse après 8 jours de route depuis la ville de Québec. C’est le berceau de l’Acadie où sont arrivés les premiers français vers 1600 en provenance de la vallée de la Loire. A l’époque, ils avaient baptisé la région » Arcadie » ( » Paradis Pastoral « ), par référence à l’Arcadie antique où l’on pensait, dans la France de la Renaissance, que l’on y vivait d’amour et d’eau fraiche. Le terme a été déformé au 18ème pour devenir Acadie.
Pourtant ce fut loin d’être idyllique puisque, suite au Traité d’Utrecht, ce territoire à été cédé à l’Angleterre qui a déporté environ 14000 personnes à partie de 1754. On les retrouve en Louisiane, dans les Antilles, et certains sont revenus s’installer dans les îles situées au large, leurs terres étant occupées. Cette page de l’histoire nous contraint à nous remettre à l’anglais pour de bon quand nous allons déjeuner à » Pictou », ( « so Scottish « ) sur le port. Nous voici seuls dans le restaurant tandis que le petit voilier » Hector » attend les touristes pour la prochaine saison( réplique d’un navire de transport de migrants du 18è).
Marie-Anne commande du homard, histoire d’en goûter au moins une fois, et on lui sert un sandwich de pain chaud avec des miettes de » lobster « , de la mayonnaise et trois feuilles de salade. Voici comment les locaux dégustent ces délicieuses bestioles. Autant dire que le goût du homard est indécelable !
Le paysage se transforme en collines sauvages.
Ne manque que le soleil, et nous nous arrêtons pour la nuit sur le petit port de Ballantynes Cove (pas de whisky !), où le vent nous ballote dans tous les sens au risque d’avoir un lanterneau arraché.
Le matin, nous montons au phare du Cap George prendre notre petit déjeuner avec une vue royale.
C’est un peu plus loin qu’au détour d’un virage, nous nous retrouvons dans un ravissant paysage ensoleillé… tout blanc !…
… et sur le versant suivant…plus rien !
Ces brusques épisodes neigeux nous dissuadent d’aller jusqu’au Cap Breton, pointe Est de la Nouvelle Ecosse et où on nous dit que le risque d’avoir beaucoup plus de neige est bien réel. Alors nous continuons notre route vers Halifax via la côte, nous arrêtant à Sherbrook, village datant de 1867, très animé avec des acteurs locaux en costume d’époque…en été seulement.Les premiers habitants arrivés en 1655 étaient français et avaient appelé leur village » Fort Sainte-Marie « que nous visitons rapidement. Le vent est très froid et nous avons l’onglée.
Loge maçonnique et église se côtoient.
La route évolue vers le sud entre forêts de feuillus et de sapins, rivières et lacs, puis suit la côte sans toujours s’en approcher.
Ce sont surtout des bras de mer ,à anses et petites baies où nous découvrons des usines de pâte à papier, une des activités de cette région, mais que les habitants contestent. L’habitat est dispersé et les villages rares ; autant dire que la route est un peu longue et tristounette. Seul le splendide coucher de soleil nous ferait mentir.
La chance nous sourit lorsque, nous arrêtant pour la nuit à Sheet Harbour, un modeste village côtier, nous nous garons le long du centre des visiteurs, évidemment fermé pour la saison. Mais le wifi y est de bonne qualité et personne ne vient nous déloger.
Pluie et vent nous incitent à travailler et c’est ici qu’ENFIN, nous pouvons finir de mettre sur le blog la fin du Mexique.
Sheet Harbour a été fondé en 1780 par des vétérans anglais et des loyalistes réfugiés de la révolution américaine.
Les deux rivières dont les eaux tumultueuses se rejoignent à cet endroit en ont fait un lieu idéal pour descendre le bois des collines et installer au 19è des moulins de pâte à papier, elle-même chargée sur des bateaux dans l’anse maritime. Activités qui perdurent encore dans la baie et dans le port de Pictou.
Ce temps médiocre fait place au brouillard lorsque nous nous rapprochons de Dartmouth, ville industrielle et commerciale, qui fait face à Halifax.
Un passage au garage nous rassure sur l’état de nos freins malgré tous les voyants allumés : le camping-car pourra descendre dans les cales du cargo.
Le soir du 31 Octobre ( Halloween), nous cherchons de l’eau à l’autre bout d’Halifax. Quelle n’est pas notre surprise en empruntant la rue la plus chic : la plupart des maisons sont éclairées et arborent des citrouilles et squelettes en guise de décoration extérieure. Un défilé sans fin de bambins, plutôt asiatiques, montent frapper aux portes pour recevoir des bonbons avant de passer à la maison suivante, suivis par d’autres groupes.
Cela faisait un mois que les citrouilles étaient vendues et exposées un peu partout, certaines bien sculptées. Dans un supermarché, nous en photographions une de 400kg…qui n’aura pas trouvé d’acheteur.
Le temps reste froid, venteux, pluvieux, avec parfois des éclaircies. Un mail nous avertit qu’on pourrait avoir un cargo le 7 Novembre. Alors nous attendons 6 jours, alternant les parkings Walmart entre Dartmouth et Halifax car les camping-cars y sont tolérés pour la nuit, tandis que les magasins Home Dépot offrent un bon wifi libre. Nous en avons besoin pour le blog auquel nous travaillons sans relâche. La recherche d’eau reste un problème et nous fait perdre beaucoup de temps. Ce sera finalement une station service qui nous dépannera.
Nous en profitons pour aller jusqu’à » Black Roch Beach « . On y voit de vieux blokhaus et des stèles érigées à la gloire de la marine et de l’aviation canadienne qui ont protégé les navires ravitailleurs des alliés sur la voie de l’Atlantique Nord entre 1942 et 1945.
C’est d’ici que notre cargo quittera l’Amérique.
Les formalités pour le bateau nous obligent à faire quelques aller-retour d’une ville à l’autre avant la dépose du camping-car sur le port, le lundi 5 Novembre. Nous devons alors préparer nos sacs pour la traversée en cabine, vider nos bouteilles de gaz, et installer pour la 3è fois, les fameuses portes de séparation entre cabine de conduite et habitacle qui étaient stockées dans la soute. L’Iveco devient alors un vrai champ de bataille car il faut tout vider pour les récupérer, mais après une demie-journée de bricolage, Bruno finit de les installer. Nous sommes prêts, et prenons le dernier repas dans notre véhicule avant la traversée.
Le 5 au matin, nous le laissons sur le quai, et ce sont les dockers qui le monteront à bord, à côté des Dodges et Mustangs neuves.
Puis nous partons en taxi dans un hôtel du centre d’Halifax.
En fait l’ « Atlantic Sky » a pris du retard à New York et l’embarquement est repoussé au 10 Novembre. Dommage : nous aurions pu continuer à explorer la côte en camping-car. Aussi, nous continuons notre blog et arpentons les rues d’Halifax, dans le quartier du port.
A côté de notre hôtel, la citadelle en forme d’étoile, rénovée au 19è ne présente que peu d’intérêt. Elle appartient à un système de fortifications mis au point par les britanniques dès 1749 pour la protection de ce port stratégique.
La nouvelle bibliothèque n’est pas mal du tout.
Il reste quelques vieux bâtiments…
…mais la cathédrale néo-gothique et la maison du premier gouverneur sont…fermés.
Tout compte fait, le style architectural ne dégage aucun charme, les bâtiments sont lourds et hétéroclites. On ne trouve que très peu de jolies maisons anciennes en bois car la ville a été ravagée en décembre 1917 par un incendie extrêmement dévastateur.
En effet, un cargo français transportant 2900 tonnes d’explosifs, le » Mont Blanc « , a été heurté dans le port par le » Imo » (navire de secours norvégien chargé d’apporter de l’aide à la population belge).
Le » Mont Blanc » a pris feu immédiatement, suivi 25 minutes plus tard d’une monstrueuse explosion, la plus forte jamais enregistrée avant le bombardement d’Hiroshima (1945), suivie d’un tsunami. A tel point que l’énorme tige d’ancre du Mont Blanc a été projetée à 4 km, où elle se trouve toujours. Tous les quartiers proches, dont » Africaville » où vivaient des africains, et le village Mic Macq ont été réduits en cendres faisant au moins 2000 morts, plus de 9000 blessés et 25000 sans abris. Un terrible accident que personne n’oubliera ici.
Côté positif, nous sommes sous le charme des couleurs d’automne et des petites bestioles peu farouches.
Le 9 Novembre à 23 heures, nous devons nous présenter à l’entrée du port accompagnés d’un agent portuaire.
Il nous conduit auprès de l’équipage philippin et l’un d’eux nous amène dans notre cabine au 8è étage, avec vue sur l’arrière…c’est à dire, sur des containers.
Nous faisons un tour rapide des lieux alloués aux 6 passagers que nous sommes, une française, un australien, un anglais et un autrichien ( tous célibataires).
Puis nous passons notre première nuit à bord. Nous cherchons le matelas, mais » n’est-ce pas plutôt un sommier pour fakir ? « …dur dur.
« L’Atlantic Sky » est un cargo roll-on-roll-off : il transporte des véhicules sur roues tout comme des containers, mesure 300m de long, 37,50 de large et 45m de haut jusqu’à la passerelle.
Il a été construit à Shanghaï en 2017, mais, de conception suédoise, et son moteur est allemand. Difficile de croire qu’il n’a qu’un an et demi. Il est nettement moins bien conçu que le » Grande Brasile » pris à l’aller, et seule la grande salle à manger/TV permet une vision frontale.
Des containers devant et derrière : nous ne pouvons voir ni l’avant ni l’arrière même en montant sur le pont.
Une laundry et la salle de sport sont à notre disposition, comme à l’aller. Les horaires des repas sont pires qu’en maison de retraite : 7h, 12h, 17h.
» Voici une belle traversée qui s’annonce mon vieux Milou… »
Samedi 10 Novembre, il pleut, et nous attendons tous impatients, la fin du chargement jusqu’à la nuit.Il s’agit essentiellement de containers (presque pas de véhicules). Nous savons juste que notre Iveco est au deck 2.
Un léger mouvement…il est 19h…
…montés sur le pont, gelés, nous QUITTONS LE CONTINENT AMERICAIN. Nous glissons le long du chenal, saluant Halifax by night…
… et quand nous atteignons la haute mer, nous voyons les étoiles…et le cargo commence à tanguer et à rouler.
» eh bien Milou, sapristi quel voyage!… »
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