Medellin…
Bien des Colombiens nous ont dit rêver d’y habiter. Sans doute…mais pour nous, la multitude de tours en briques, de favelas à flanc de montagne, de centres commerciaux, la densité de la circulation, ne correspondent ni à nos critères de qualité de vie, ni à ceux de la sécurité.
Du reste, on essuie le baptême du feu en voulant rejoindre un camping situé à l’est en montagne. Le guidage Mapsme se révèle totalement erroné, et après avoir traversé un quartier de drogués peu engageant, et gravi une forte côte, nous nous retrouvons à la tombée de la nuit en pleine favela, bondée, peu fiers. La conduite y est indescriptible, et notre état d’énervement, pas moins ! Pas de photos : ce n’est ni le lieu, ni le moment.
On arrive tout de même à faire demi-tour, et Marie-Anne se débrouille pour guider Bruno hors ville à une vingtaine de kilomètres jusqu’à un autre camping. Il fait déjà bien nuit, et …plus de camping…! Elle demande de l’aide à la station de péage du quartier : surprise des automobilistes au péage, et rires des caissières. Ils ont tous la doudoune ici, alors que nous sommes toujours en petite tenue d’été depuis Santa Fe. Comprenant notre désarroi, une jeune employée nous propose le parking devant le restaurant de ses parents un peu plus haut. » Vous y serez en sécurité » nous dit-elle. Mais à 21h30, le restaurant ferme, puis un peu plus tard, le péage. Nous voici seuls dans un quartier isolé, ce que nous ne faisons jamais. » Qu’en penses-tu Milou ? « …De fait pas de problème la nuit, et le lendemain, après avoir passé la matinée à chercher le fameux garage Iveco (qui n’existe pas ), nous arrivons tout de même chez leur représentant, en nous faisant guider finalement par un taxi.
Ils nous prennent tout de suite à 11h30, disent-ils, mais l’intervention » chirurgicale » n’est faite que vers 16h, car le soudeur est…parti ! » Voilà la Colombie ! »
Ils nous disent que nos amortisseurs sont encore bons, ce dont Bruno doute, et soudent seulement une pièce de support, fendue, peut-être à l’origine du bruit que nous entendions à l’avant droit. On verra bien !
Voulant aller absolument au camping » le Bosquet » au-dessus de Medellin, nous mettons près de 3 heures pour le rejoindre. Marie-Anne fait le GPS, ne faisant toujours pas confiance à Mapsme ; certaines rues sont barrées, encombrées, et le trajet se révèle extrêmement compliqué. Un policier nous dit » tranquilles ! vous allez vous y faire, prenez tout votre temps « , alors que, devant lui, nous nous enfilions dans un étroit sens interdit, non signalé, évidemment . » Ah Medellin, dur, dur ! » On pourrait se croire à Barbès, à l’heure de pointe, mais avec beaucoup de drogués l’oeil hagard (certains respirant ( quoi ?) dans des sacs en plastique), de mendiants, de motos, de bus, de voitures, de gens qui traversent n’importe où sans regarder, de petits magasins, de marchands ambulants, de travaux…en tous sens ! Il faut y ajouter des côtes très pentues où s’entassent les » quartiers sensibles « . Heureusement que Bruno a appris à conduire à Paris.
Malgré tout, nous montons de 1000m… …et arrivons enfin au » Bosquet » dans le brouillard et de nuit.
Et là… » hello Martino et Sabine ! « . Nous voici encore réunis pour la soirée devant un bon feu de cheminée, dans l’auberge de jeunesse-camping. Le lendemain, nous découvrons la vue étendue vers l’est.
Nous y restons 3 nuits, le temps de commencer notre blog Colombien, quand Martino nous prévient que » ça chauffe » entre l’ELN, branche armée des Farcs, qui n’a pas déposé les armes, et le gouvernement. 2018 étant l’année des élections, les rebelles souhaitent faire partie du prochain gouvernement. Compte-tenu du nombre de morts dus aux Farcs, ils ne sont pas les bienvenus. Pourtant la moitié de la population, plutôt paysanne, les soutient, quand l’autre, pleurant ses morts, en veut au Président d’avoir voulu faire la paix avec eux. Derrière tout cela, il y a bien sûr les narcotrafiquants, toujours actifs et déterminés pour garder la maîtrise des territoires transfrontaliers.
Donc, en ce qui nous concerne, ce sont 3 jours de » grève armée » qui nous attendent. Autrement dit, interdiction de circuler avant mardi, au risque de se faire enlever ou tirer dessus. Il nous reste 2 jours pour rallier Cartagena ; alors, renonçant à nos plans de visite de Medellin par téléphérique et métro, nous quittons nos amis qui eux, vont attendre dans ce camping que la situation se calme.
Nous roulons sans arrêt sur une route pas fameuse afin de rejoindre la côte au plus vite avant le couvre feu. Vers 17h, la jauge étant au plus bas, mais le témoin non allumé, le moteur s’arrête en plein virage. ANGOISSE !, ce n’est vraiment pas le moment de tomber en panne. Bruno pense que c’est un problème de dépression dans le réservoir, empêchant la pompe de transfert de fonctionner correctement. Marie-Anne pense qu’il aurait dû faire le plein à la station, comme elle le lui avait suggéré. Par chance, on redémarre, et faisons demi-tour, allant au pas jusqu’à cette station (30 km auparavant).
Le plein fait, tout va bien, et à force de patience, d’endurance et surtout, de vigilance, nous arrivons, de nuit encore, dans une finca isolée qui fait camping. Elle est tenue par un anglais retraité, à une heure de la côte caraïbe et de Cartagena, cette grosse capitale du département de Bolivar.Impression de DELIVRANCE !
Le lendemain nous apprenons la destruction à l’explosif, de deux ponts, puis l’incendie d’un bus et d’un camion.
Nous mettons à profit cette pose forcée pour faire du nettoyage dans le camping-car. Il fait très chaud. Les chants d’oiseaux nous tiennent compagnie, dont un bel aras semi-captif, qui ne cesse de crier, sur fond de bêlement de chèvres.
Bruno est à la recherche, sur internet, d’un cargo pour le Panama. C’est bien » ça » le problème majeur de ce long voyage depuis notre départ. En effet, Colombie et Panama ne sont pas reliés par la route, mais seulement par voies maritime ou aérienne, sans doute en raison de l’activité des narcotrafiquants dans la jungle du Darien.
» Là, mon vieux Milou, c’est une autre aventure « . Aurons-nous le temps de visiter la côte Caraïbe ? Tout dépendra de la date du cargo trouvé et de la situation politique. A la fin de cette grève armée de 3j, nous rejoignons Cartagena.
Déception : la mer caraïbe tant espérée, est marron, et très agitée en raison d’un fort vent qui décoiffe ; c’est la saison des alizés.
Mais notre préoccupation est ailleurs : trouver l’agence Enlace Caribe, qui peut nous prendre en charge. Comme d’habitude, on se perd en cherchant une adresse qui n’est plus la bonne au milieu de rues dont la numérotation est faite en dépit de toute logique. Euréka, en fin de matinée, Marie-Anne découvre un point Ioverlander plus précis. C’est à deux pas de l’hôtel-camping » Bellavista » où nous nous installons face à la mer, dans une cour. Bien sûr, aucune indication de l’agence dans l’immeuble censé l’abriter !
Là les choses s’enchaînent : il suffit de payer et l’agence se charge de toutes les démarches pour le 19 février…presque demain, une chance ! L’Iveco devra être amené au port le 16, nettoyé, cloisons fixes posées entre l’avant et l’habitacle pour limiter les risques de vols. Nous devrons donner les clés à un manutentionnaire qui le montera sur le bateau…sans nous. Advienne que pourra !
» Si » le cargo Roro n’a pas de retard, notre camping-car arrivera à Colon ( Panama), le 21 février. Une sympathique rencontre nous réjouit : Jacques Gillon, un photographe animalier de renom, et Christine, que nous avons connus au Pérou (vers Nazca), sont au camping, et font les mêmes démarches que nous. Mais eux retournent en France. Le soir nous nous faisons un dîner improvisé et bien arrosé, en compagnie d’un couple de catalans bien sympathiques Sylvia et Jamon, dans la même situation.
Bruno a besoin de tout un après-midi pour monter les cloisons ( bien salies par les frottements en soute ).
Dehors le vent souffle toujours avec force faisant entrer une couche de poussière de sable, qui s’immisce partout dans les moindres recoins du camping-car. Il faut faire vite, en pleine chaleur (38°), car les moustiques attaquent dès 18h, sadiques et invisibles. On prépare nos sacs aussi, puisque dès demain, nous irons à l’hôtel Ibis tout proche. Autant dire que nous sommes littéralement épuisés le soir, Marie-Anne ayant de son côté mis à jour son journal, le blog, et fait le ménage (autant que possible). Surtout, ne rien oublier !
C’est le vendredi 16 février à 9h que nous devons amener l’Iveco au port.
Pas de chance ! le pneu avant-droit est à plat. Vite le regonfler !, vite aller au lavadero faire laver le véhicule !, vite ils nous changent la roue gentiment, vite, vite, ils lavent la carrosserie
…et, très très vite,ils volent le portable de Marie-Anne et des dollars cachés au fond de son sac à dos . Pas vus, pas pris ! Et Bruno, ignorant encore le méfait, leur laisse en plus un pourboire, content du travail fait dans les temps.
Marie-Anne ne s’aperçoit du vol qu’un peu plus loin vers le port, trop tard pour faire demi-tour. La douane n’attend pas !
Elle est » verte » et rouge de colère à la fois. Les employés de l’agence lui disent avec compassion, que les patrons des lavaderos emploient très souvent des clandestins vénézuéliens connus pour leurs exactions. Marie-Anne y retourne avec le jeune de l’agence, mais la police intervenue plus tard ne fait RIEN et ne dit RIEN devant le sourire narquois des jeunes voleurs.
Que de photos et de messages précieux depuis 2016 resterons entre les mains de ces voyous…si sympathiques de prime abord !
Pendant ce temps, Bruno est coincé au port, attendant que les interminables paperasses douanières soit correctement faites et refaites, ce qui n’est pas le cas. Il devra revenir ! Il en va ainsi pendant 4 jours où allers et venues inutiles se succèdent, le cargo ne partant finalement que le 20 février. Des heures et des heures d’attente au port pour nous et pour l’employé de l’agence qui se démène, suant à grosses gouttes, pour faire faire tous les documents. Enfin, le dernier jour, Bruno y retourne une matinée entière pour le contrôle anti-narcotiques. Il est obligé de vider la soute pleine de poussière, et assez en désordre, il faut le préciser. Alors il avertit, avec le sourire, que ce sera long car nous faisons un long voyage…
Dès lors il fait exprès de vider très très l. e. n. t. e. m. e. n. t la soute, en commençant par les 8 pneus neufs amenés de France. Au bout d’un moment, les douaniers, excédés, lui disent que c’est bon. Il n’aura vidé que la moitié de la soute, puis tout remis à la va-vite, mais ouf ! c’est fait. Et il laisse la clé sur le contact, un peu anxieux.
Nous espérons le retrouver entier au port de Colon , Panama (mer des Caraïbes).
En tout, nous aurons passé 7 jours à Cartagena, toutes ces démarches quotidiennes inutiles, nous ayant définitivement empêchés d’aller explorer la côte caraïbe. On profite donc de cette ville mythique malgré la forte chaleur et le vent violent qui fait moutonner la mer chaque jour. Même pas envie de s’y baigner, bien que l’hôtel Ibis la domine. Par contre, on profite de la vue étendue.
La ville moderne, péninsule de Bocagrande, qui continue de s’étendre aussi vers les ports, n’est que jeux de construction de tours blanches sans grand intérêt architectural.
De nombreux immeubles sont financés par des narcos, qui vendent des appartements inhabités, tandis que déjà 16 tours devraient être détruites pour cause de malfaçons. La municipalité délivre des permis sans se soucier de voir cette jolie côte dénaturée.
Pour la vieille ville, c’est différent.
Inscrite au Patrimoine Mondial de l’Unesco, elle est entourée de 13kms de fortifications, et fut fondée en 1533,par le conquistador Pedro de Heredia.
Très vite Cartagena devint le principal port espagnol sur la mer caraïbe où étaient stockées les richesses, surtout d’or et d’argent, à destination de l’Espagne. Elles étaient amenées depuis 1650 par le canal » del Dique « , reliant la ville au grand fleuve Magdalena. A cette époque Cartagena était entourée de marais infestés de moustiques. Elle fut la cible de nombreux pirates dont Sir Francis Drake qui pilla le port en 1586.
Un château fort, San Felipe de Barajas, a alors été construit sur la petite colline (40m) de San Lazaro afin de défendre la ville des attaques répétées des pirates.
Il fut érigé en un an, un record, avec des briques, et des pierres de coraux prises sur la côte, par des esclaves noirs.
Au fil des ans, le fort a été agrandi, créant ainsi la plus grande forteresse espagnole, truffée de tunnels sonores distribuant tous les points stratégiques et permettant le ravitaillement depuis la ville. Elle était armée de 62 canons.
Seul un escalier en bois amenait à l’entrée du château, et il était détruit préventivement en cas d’attaque.
Mais la meilleures technique de défense consistait à maintenir les ennemis dans les marais afin qu’ils meurent de malaria et de fièvre jaune. Cependant un seul corsaire a réussi à prendre le château, Bernard Desjean, baron de Pointis, sur l’ordre de Louis XIV, s’emparant du plus gros butin de l’histoire de la piraterie. Et il était passé par les…latrines.
La vieille ville est un dédale de rues aux maisons colorées supportant de longs balcons de bois souvent fleuris de bougainvilliers.
Nous y errons au gré de nos envies, découvrant une multitude de jolis magasins,
de bars et de restaurants.
Celui-ci est particulièrement original et inattendu : le KGB.
Quelques places agrémentent cette vieille ville.
Il y fait bon écouter chanteurs et musiciens de passage, ou y déguster une bière bien fraîche ( ou 2 !), tandis que certains viennent contester…
…ou se prendre le bec entre deux photos grimaçantes avec des touristes…malheureusement on n’a pas le son!
Ici circulent des copies d’antiques voitures à cheval, ce qui rajoute du charme, s’il en était besoin.
C’est plus romantique, que ces vieux bus chargés de touristes, qui débitent une musique insupportable tant elle est forte, en faisant le tour de la city.
La cathédrale, bien que sobre, n’a rien d’exceptionnel, ni même les autres églises
…sauf de nuit.
Mais la porte de l’horloge ( tour et 4 cadrans ajoutés en 1888), reste un lieu privilégié et animé. C’est, et ce fut surtout,le principal d’accès à la vieille ville.
Nous visitons le musée d’art moderne, où sont exposées quelques oeuvres d’Alejandro Obregon, grand peintre Colombiano-espagnol (1920-1992),
et les marines de Maria Isabel Rueda.
Ici aussi il y a un petit musée de l’or et de céramiques. Nous restons très admiratifs du savoir faire de ces tribus indiennes.
Par contre le musée de l’Inquisition, sinistre et bien peu mis en valeur, est décevant. Peu d’objets. Cependant on y apprend que nos auteurs européens » classiques » Descartes, Kant, Richardson, Rousseau, Flaubert, Victor Hugo, etc…étaient subversifs, et donc détenir leurs ouvrages…… était suffisant pour se faire arrêter et torturer.
A contrario, nous flânons avec ravissement dans la maisons aérée et pleine de charme de Rafael Nunez, Président de la République, de 1880 à 1892.
Il a entre autre, développé le réseau ferré de Colombie, ainsi que la navigation sur le fleuve Magdalena, fait installer le premier câble sous-marin de communication du pays, fait créer par l’Italien Oreste Sindici, la musique de l’hymne national, rétabli les relations entre l’Etat et l’Eglise afin d’unifier le pays, fondé la banque nationale, et surtout, rédigé la nouvelle Constitution de 1886 qui sera inchangée pendant un siècle. Il a de même organisé la Conférence Iberro-américaine à Panama où commençait la construction du canal.
Nous rencontrons des Français établis ici, totalement satisfaits de leur qualité de vie. Et c’est au sein de leurs restaurants que nous mangeons le mieux, car il faut bien le reconnaître, la Colombie n’est pas le pays de la gastronomie ( même si les Colombiens nous disent avec fierté » alors, on mange bien en Colombie » !). Alors de temps en temps, un bon filet de boeuf ou du vrai pain avec du fromage fait maison, servis en terrasse, ça change tout…… sauf le soir du concert de reggae.
C’est la nuit que se dévoile le mieux Cartagena.
Un peu comme La Rochelle chez nous, c’est une ville unique qui vit de son charme passé, malgré l’intrusion du modernisme.
Néanmoins l’afflux massif de sans papiers vénézuéliens commencent à la gangréner.
Même si le centre historique est très surveillé par la police et donc » securit « , il n’est pas question de se promener le soir le long de la plage sur le Malecon.
Notre avion s’envole le 22 février.
Bien qu’ayant beaucoup aimé le vieux Cartagena, nous quittons ce pays sans trop de regrets, ayant trouvé leur organisation administrative DESESPERANTE et d’ailleurs inutile, ayant détesté leur manie d’attendre pour tout, et leur incompétence dans de nombreux domaines.
Marie-Anne en garde un goût amer ( et ce n’est pas pour le goût de leur mauvais café, celui de qualité étant exporté). Et puis c’est un pays FATIGUANT. Bruno conserve dans ses mains les traces des virages sans fin, et dans son esprit, les frayeurs de ces automobilistes suicidaires.
Attention routes aléatoires et dangereuses :
ouvrons l’oeil !
…mais l’armée assure !
» pauvre Bruno, le soir tu n’y vois plus que du rouge «
» cool, laisse-toi conduire, avec le sourire « …
car il y a des endroits tranquilles, et rectilignes…parfois
et MAGIQUES !
La vallée de Cocora nous aura énormément plu…
…un petit paradis enchanteur, paisible, rythmé par l’ondulation des palmiers de cire et la symphonie des chants des nombreux oiseaux…
La Colombie, ce sont aussi ces quelques images prises au hasard de la route…
» et voilà, mon vieux Milou, nous quittons l’Amérique du Sud après 13 mois de routes au gré de nos envies et de nos rencontres, entre le 22 Janvier 2017 et le 22 Février 2018. »