Si les longues plages de sable et de galets, alternant avec des falaises sablonneuses, ont peu d’intérêt, c’est parce qu’elles sont couvertes d’ordures et/ou de gravas, comme presque partout le long de la Panaméricaine et dans les villages côtiers.
Néanmoins, la station balnéaire de Huanchaco, paradis des surfeurs, échappe à ce désastre.
Ici les pêcheurs utilisent des barques en » totoras « , sortes de kayaks de 5m de long, fabriqués en roseaux. Construits en 3 heures, ils sont périmés en un mois car imbibés d’eau de mer. Ces barques existaient déjà du temps des » Moches » qui en avaient même de 10m de long.
Trujillo ……fait office de grosse oasis dans le désert côtier et son centre ville colonial conserve des maisons colorées aux grilles en fer forgé, ainsi qu’une cathédrale jaune mangue, bien flashy, qui a été repeinte à neuf pour la prochaine visite du pape.
Aux abords de Trujillo, la » Huaca de la luna » est un temple religieux et funéraire au pied d’une montagne sacrée, le Cerro Blanco.
C’est une ancienne pyramide datant de la période » Moche » (2è au 8è s. après JC).
Elle fait face à la » Huaca del sol « , centre politico-administratif qui ne se visite pas n’ayant pas été fouillée faute d’argent.
Entre les deux pyramides était établi le village où vivaient les artisans les plus renommés.
Cette » Huaca de la luna » construite sur 5 niveaux entièrement en briques( dont chacune était signée par la famille qui les avait fournies)…
…présente de superbes bas-reliefs polychromes de divinités, d’animaux et de figures géométriques. Le thème de la mer est constant avec des vagues , des poissons et des méduses. On y voit des poissons- chat jaunes aux yeux blancs, une tête humaine avec des dents de félin, entourée de vagues et de 4 raies, l’ensemble constituant la représentation d’un dieu de la montagne.
C’est très surprenant car tout est fabriqué en briques, sauf les nez en relief, qui sont armés d’un os de fémur.
La place cérémoniale très colorée montre des danseurs et des musiciens, des guerriers, des prisonniers nus, des araignées, des serpents…
Selon un calendrier cérémoniel particulier, à chaque changement de chef, les » Moches » rajoutaient un niveau ainsi qu’une paroi supplémentaire, ce qui enterrait totalement et définitivement le précédent. C’est pourquoi ces bas-reliefs ainsi que les tombes et les objets qui y étaient déposés, ont été si bien conservés, échappant en partie aux pilleurs.
La société Mochica était sophistiquée et très organisée. Le pouvoir politique était étroitement lié à la religion et à l’administration des ressources. Les prêtres, leaders de la société organisaient la vie dans la ville et le travail des artisans, très considérés car reconnus pour la finesse et la qualité de leur travail. Les prêtres contrôlaient architectes, ingénieurs, peintres, potiers, métallurgistes et orfèvres.
Cette société n’avait rien à envier aux Incas qui les ont suivis. Pour asseoir leur pourvoir, les prêtres ingéraient des substances leur permettant d’entrer en transe et de se dire en contact avec le monde supérieur et celui des morts.
Ils organisaient également des combats en choisissant dans les familles, de jeunes hommes de 18 à 30 ans. Ces joutes avaient pour objet de faire tomber d’un coup de massue le casque de » l’ennemi « . Le vainqueur déshabillait alors totalement le vaincu, s’emparant de ses effets. Ce dernier était ensuite encordé au cou et parqué dans une pièces spéciale. Après lui avoir fait ingurgiter une décoction de cactus » san pedro » (au double effet hallucinogène et…petite pilule bleue !), il était conduit avec les autres vaincus devant le grand prêtre ( » sacerdote » ), lors d’une grande cérémonie. C’est là que ce dernier lui tranchait la tête avec un simple couteau de cuivre arrondi, mais bien affûté, versant le sang dans une coupe pour, parfois le boire, ou plus généralement l’offrir aux dieux : le sang versé étant le symbole de la fertilité humaine à l’instar de l’eau au profit des cultures. Les ennemis des » Moches » subissaient bien sûr le même sort.
L’université de Trujillo qui gère le chantier a construit un musée exposant des quantités de céramiques toutes plus réalistes les unes que les autres, et d’une qualité exceptionnelle.
Les » Moches « , n’ayant pas d’écriture, comme les Incas, celles-ci avaient un rôle éducatif en raison des dessins contant les scènes de batailles ou de la vie courante. Qu’elles soient si bien conservées ou restaurées est tout à fait remarquable.
Nous sommes conquis par ces peuples guerriers mais aussi cultivés, qui échangeaient des marchandises avec le Chili et l’Equateur et qui étaient capables de réaliser des bijoux d’une très grande finesse comme ces boucles d’oreille ou encore cet « Atuendo », vêtement d’apparat.
La côte recèle de très nombreuses pyramides dont beaucoup ne sont plus que des monticules de terre, hélas profanés de longue date. Mais les pillards ne peuvent parvenir au coeur des plus importantes qui restent donc inexplorées ( plus de 200 nous a-t-on dit).
» El Brujo « , proche de la mer, se présente comme la » Huaca de la luna « , mais avec des frises moins restaurées, mais non moins belles.
On y compte 7 niveaux et c’est à cet endroit que des archéologues ont trouvé la momie de la » Dame de Cao » dont les membres sont couverts de tatouages d’araignées et de serpents sans qu’ils en comprennent l’explication.
Agée de 20 à 25 ans, elle est morte en accouchant. Des experts anthropologues ont recréé son visage en cire à partir de son crâne.
De superbes objets ont été trouvés sur elle et dans sa tombe, prouvant son rang social élevé.
Environ 200 km plus haut, au nord de Chiclayo, une ville aux rues sales et défoncées…… qui nous évoque l’horrible Juliaca du sud, nous trouvons avec difficulté, le musée pourtant réputé de » las tumbas reales de Sipan » à Lambayeque. Bien sûr, il n’y a ni noms de rues, ni panneaux indicateurs.
Ce musée est consacré au site funéraire pyramidal situé non loin à Sipan. Il s’agit des tombes du » seigneur de Sipan » , d’un » Sacerdote » (grand prêtre), et du « vieux seigneur » (père ou grand père). Le contenu est d’une richesse incroyable et les archéologues ont réussi à restaurer une grande partie des objets destinés à accompagner ces morts prestigieux dans l’au-delà. Hélas le pauvre » seigneur de Sipan » gît désormais » nu « , les os en petits morceaux dans un cercueil de verre !
Quel destin !!
Les » Moches » portaient d’imposantes boucles d’oreilles après avoir troué largement leurs lobes.
Et chose curieuse, ils portaient des pinces à nez décoratives, sûrement peu pratiques pour se moucher !
Nous découvrons aussi l’utilisation de pinces à épiler…la barbe….
…de gros colliers en or, tous plus originaux, gros et raffinés les uns que les autres…
Les artisans » Moches » savaient fabriquer des visages en or creux, parfois avec des dents de félin et de coquillages incrustés d’une finesse inimaginable, des masques, des étendards…
Les hommes portaient des pectoraux et des bracelets en fines perles de corail et/ou d’or et d’argent, de turquoises…
Une seule perle fait 2mm de diamètre:
et des plaques en or pour protéger reins, hanches et coccyx.
Nous n’en finissons pas d’admirer des objets magnifiques, de nouvelles céramiques,..
… et la reconstitution grandeur nature des tombes ou de scènes de la vie quotidienne.
Le seul problème c’est l’interdiction de prendre des photos, c’est pourquoi nous achetons des livres illustrés à défaut de mieux, subjugués après plus de 3 heures de visite.
Un dernier musée nous conduit plus au nord à Ferrenafe, petit bourg aux rues aussi impraticables que les autres villes du secteur. Nous sommes seuls dans ce musée dédié à la civilisation Sican plus récente, du 8è au 14è s. après JC, et située vers Lambayeque.
Ici sont présentées des reconstitutions de la vie quotidienne, du travail des métallurgistes, des potiers et orfèvres et surtout des tombes qui se trouvaient dans des pyramides situées non loin…
Si les poteries sont moins raffinées que celles des » Moches « , cette civilisation a disposé d’une bonne technologie en métallurgie, économie, agriculture et irrigation permettant de développer les cultures des vallées côtières déjà arides à cette époque, car » el nino » était déjà actif. Les scientifiques ont d’ailleurs démontré que pendant cette période avaient eu lieu d’importantes hausses de températures accompagnées de sécheresse, et là, on ne peut accuser la production de CO2 de nos usines et véhicules…
Les vitrines montrent aussi le riche contenu des tombes, mais le manque de moyens financiers a limité les restaurations. Pourtant il y a de belles pièces comme ce » gran tocado ceremonial « ,magnifique masque de cérémonie orné de 80 plumes d’or…
…ou ces objets en or.
Pour remplacer le cuivre, ils ont inventé le bronze arsenical développant ainsi l’âge du bronze sur la côte nord du Pérou.
Leur civilisation a connu son apogée entre 900 et 1100 après JC, mais ils ont disparu à partir de 1375, conquis par les » Chimus » (12è-15ès). Ceux-ci étaient des techniciens hydrauliques expérimentés, et d’excellents cultivateurs. Leur capitale était Chan Chan à côté de Trujillo. (que nous n’avons pas pu visiter en raison de l’heure tardive de notre arrivée). Comme les autres peuples de ces régions, ils ont été conquis par les Incas avant que les Espagnols ne s’imposent au 16ès.
La tête remplie de toutes ces magnifiques images, nous repartons vers le sud, mais pour obliquer en direction des montagnes vers Cajamarca et Chachapoyas (région Amazonas).